Charte aux Normands

La Charte aux Normands, ou Charte normande[1], est un acte conférant certains droits ou privilèges aux Normands octroyé le [2], par le roi de France Louis le Hutin lequel, en répondant aux barons normands impatients, en confirme tous les termes en [3].

L’octroi de la Charte aux Normands.

Pour apaiser les révoltes périodiques des Normands, le roi a dû reconnaître la spécificité de la Normandie, et cette charte, ainsi que la seconde de 1339, faisant écho à la Grande Charte ou la Charte des libertés des Anglais, sera considérée jusqu’en 1789 comme le symbole du particularisme normand.

Contexte

En 1314, Philippe le Bel avait levé un nouvel impôt pour financer une expédition flamande. Cette nouvelle contribution, jugée disproportionnée au regard de l’enjeu, va provoquer une vague de protestation dans tout le royaume. Pour apaiser les esprits, le successeur de Philippe le Bel, son fils Louis X, octroie alors une série de chartes provinciales. La Charte aux Normands est la première d'entre elles. Elle sera suivie par : les deux chartes aux Languedociens du et de  ; la charte aux Bretons de  ; les deux chartes aux Bourguignons d’ et  ; les deux chartes aux Champenois de et  ; la charte aux Auvergnats de , reproduite à l’intention de toutes les Basses-Marches — à savoir, le Poitou, la Touraine, l’Anjou, le Maine, la Saintonge et l'Angoumois — ; la charte aux Berrichons de  ; et la charte aux Nivernais de [4].

Versions

Trois versions de la Charte aux Normands figurent dans le recueil des Ordonnances des rois de France[5]. Deux sont datées du  : l'une, en latin, compte quatorze articles ; l'autre, en français, en compte vingt-quatre[5]. La troisième, en latin, compte vingt-quatre articles et est datée de Vincennes, [5],[6],[7],[8].

Contenu

Cette charte, qui va désormais occuper un rôle fondamental dans la conscience collective et l’imaginaire normands, accède au rang de mythe pour devenir le symbole même de la contestation normande, alors même qu’elle est régulièrement violée et, qu’au fil des siècles, les Normands ont oublié jusqu’à son contenu même. Elle offre à la province des garanties en matière juridique, fiscale et judiciaire, et sera régulièrement brandie durant les périodes de crise et notamment lorsqu’il s’agit d’opposer la spécificité normande au centralisme royal. Rarement tournée contre le pouvoir lui-même, la contestation s’exprime plutôt contre ses manifestations.

La charte de 1315, puis celle de 1339[9], leur garantissait le droit de ne jamais être cités devant une juridiction autre que celle de leur province. Lorsqu’une ordonnance royale en violait quelque disposition, la réserve expresse qu’on y ajoutait rappelait l’existence de ce droit, lors même qu’il était enfreint : Nonobstant clameur de haro et charte normande[10].

Les deux premiers articles de la charte ont trait à la question monétaire[11]. Depuis le XIe siècle, tous les Normands versaient au duc le monnéage, un impôt direct de douze deniers par feu tous trois ans ; en contrepartie, le duc renonçait à son droit de muer la monnaie[12]. L’article 2 est relatif au fouage[11]. Il précise qu’il sera perçu conformément à la coutume, c’est-à-dire pour un montant fixe, de douze deniers par feu, assorti de nombreuses exemptions que le roi s’engage désormais à respecter[11].

Les articles 3 et 4 ont trait à la question militaire[13]. L’article 4 est relatif à l’ost[13]. Le roi y renonce à exiger de ses vassaux davantage que le service qu’ils doivent conformément à la coutume, c’est-à-dire quarante jours[13].

Les articles 5 et 6 ont trait à la propriété privée[14]. L’article 13 est relatif au droit d’épave[15] ; l’article 20, aux retraits féodaux et lignagers[15].

L’article 9 est relatif aux tiers et danger, un double droit dû au roi sur la récolte et la vente de bois de son domaine ; il en exclut le mort-bois — c’est-à-dire le bois vert de qualité inférieure : le saule, le marsault, les épines, la puine, le sureau, l'aulne, le genêt, le genévrier et la ronce — ainsi que les arbres abattus par la tempête[16].

L’article 15 limite le recours à la torture[17].

L’article 16 réglemente la rémunération des avocats[17].

L’article 18 reconnaît aux Normands le droit d’être jugé en Normandie, selon la coutume normande et, en dernier ressort, devant l’Échiquier[18] ; celui-ci redevient une cour souveraine, ses arrêts n’étant plus susceptibles d'appel devant le parlement de Paris[19].

L’article 22 a trait à la question fiscale[20]. Il reconnaît le droit du roi à percevoir les aides coutumières attestées, pour la première fois, en et connues, au XIIIe siècle, comme les « trois aides féodales », les « trois aides capitales » ou les « trois aides de Normandie »[21]. Le roi y renonce à lever de nouveaux impôts « sauf en cas de grande nécessité »[20].

Confirmations

La Charte aux Normands est confirmée par le roi Philippe VI de France en puis par son fils le duc Jean de Normandie[22]. Le roi Charles V le Sage ne confirme pas la charte[23] contrairement à son fils et successeur, le roi Charles VI qui la confirme le [22],[24]. Pendant la guerre de Cent Ans, la charte est confirmée par le roi Henri V d’Angleterre en [réf. souhaitée] puis par le duc Jean de Bedford, régent du royaume de France, au nom du roi Henri VI d’Angleterre le [22],[25].

Au terme de la guerre de Cent Ans, le roi de France, Charles VII le Victorieux, prend possession de la Normandie. Début , il arrive à Pont-de-l’Arche[26]. La ville de Rouen y envoie une délégation conduite par l’archevêque Raoul Roussel afin de négocier les conditions de sa reddition[26]. Le roi s’engage à maintenir les privilèges de l’Église de Rouen et ceux de la ville ainsi qu’à confirmer la Charte aux Normands et le reste du droit coutumier normand[26]. Mais le roi tarde à respecter sa promesse et, le , la ville de Rouen envoie une nouvelle délégation à Tours pour l’y rencontrer et obtenir de celui-ci confirmation de la charte[26]. Le roi ordonne une réunion de commissaires, à Vernon, le [27]. À l’automne , les états de Normandie demandent la confirmation de la charte[28]. Finalement, le roi ne la confirme qu’en [22],[29][28]. Son fils et successeur, le roi Louis XI le Prudent la confirme le [22],[30] à la demande des états de Normandie[31]. Lors des états généraux de Tours, en , la charte est à peine évoquée[32] mais le fils et successeur de Louis XI, le roi Charles VIII l’Affable la confirme le [33]. La charte est ensuite confirmée par Louis XII les et [33], par François Ier en [33],[34], par Henri II en [33],[34] et, enfin, par Henri III en [33],[34]. Longtemps respectée, cette charte cessa d’être en vigueur à la fin du XVIe siècle et ne fut réellement abolie que sous Louis XIV, mais continua néanmoins de figurer dans les ordonnances et les privilèges du roi jusqu’en 1789.

Archives

L’original de la charte ne nous est pas parvenu[35]. Sa plus ancienne copie connue est conservée aux archives départementales du Calvados dans le fonds de l'abbaye Saint-Martin de Troarn[36].

Notes et références

Voir aussi

Bibliographie

Liens externes

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