Mouvement vaudois
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Le Mouvement vaudois, parfois appelé valdéisme ou valdisme est un courant religieux médiéval dont les adeptes ont été nommés « vaudois » ou parfois « valdésiens » par leur adversaires. Eux-mêmes ont préféré se désigner sous les termes « vrais catholiques », « Pauvres en Christ » ou « Pauvres en Esprit », et ont parfois été connus sous le nom de « Pauvres de Lyon ».
Commencée à Lyon pendant le dernier quart du XIIe siècle, l'histoire du mouvement vaudois s'est symboliquement terminée en 1532, au Synode de Chanforan, lorsque les derniers groupes numériquement significatifs de vaudois ont décidé d'adhérer au Mouvement réformé et constitué une église protestante principalement influencée par celle de Genève. Il a fallu en réalité plus d'un siècle pour que cette transformation devienne complète et effective, et l'on fait généralement débuter en 1655, à la première publication de sa confession de foi, en français, sous le titre « Brieve confession de foy des églises réformées de Piémont »[1],[2] dans l'ouvrage « Relation véritable de ce qui s'est passé dans les persécutions & massacres faits cette année, aux Églises reformées de Piémont »[3], l'histoire formelle de l'Église évangélique vaudoise qui porte ce qui a survécu, de l'héritage spirituel et culturel du mouvement vaudois.
L'originalité du mouvement vaudois réside dans le fait qu'il est l'un des rares courants religieux dissidents, avec l'Utraquisme et l'Unitas Fratrum, qui ont résisté durablement aux répressions auxquelles ils ont été exposés, et celui qui, au prix de nombreuses adaptations, a connu la durée d'existence la plus longue.
La paternité du mouvement est souvent attribuée à un bourgeois lyonnais nommé Vaudès (ou Valdès, plus connu comme Pierre Valdo) dont l'existence historique est attestée par cinq textes qui ont fait l'objet d'amples débats. Néanmoins, on constate qu'il existe une confession de foi des vaudois datant de 1120, soit 20 ans avant la naissance de Vaudès[4],[5]. Il existe plusieurs documents, dont la Noble Leçon, qui dateraient même de l'an 1100 ou avant[6]. Le mouvement apparaît à Lyon dans un contexte social et politique qui est semblable à celui des autres villes dans lesquelles des courants religieux, que l'Église catholique prendra au siècle suivant l'habitude de décrire comme des hérésies, se développent.
Cependant, on ne connaît pas de manière certaines leurs origines. En effet, les vaudois primitifs ont une double tradition concernant leur origine, l'une plus générale, l'autre plus détaillée, et toutes deux très précises. Voici ce qu'en dit Antoine Monastier dans son ouvrage Histoire de l'Église vaudoise depuis son origine et des Vaudois du Piémont jusqu'à nos jours (1847):
« Dans toutes les persécutions qu'ils ont éprouvées, dès le XIIe siècle, et plus tard, lorsqu'ils ont dû réclamer à diverses fois auprès de leur souverain, les vaudois ont toujours soutenu, comme précédemment, que la religion qu'ils suivaient s'était conservée de père en fils, et de génération en génération, depuis un temps immémorial : Da ogni tempo e de tempo immemoriale, disaient-ils dans leurs requêtes.
De plus, non seulement les vaudois du Piémont, mais tous ceux qui se sont réclamés de leur nom, en tous lieux, soutinrent constamment qu'ils tenaient leur croyance religieuse de Léon, confrère et contemporain du pape Sylvestre, évêque de Rome, sous l'empereur Constantin-le-Grand.
Cette tradition, sous cette seconde forme, plus précise que la première, s'appuie sur une base historique. Nous lisons, en effet, dans le Faisceau des temps :
« Les biens d'Église que les prélats commencèrent à posséder environ ce temps-là (de Sylvestre et de Constantin) occasionnèrent souvent de grandes altercations entre les docteurs, les uns prétendant que c'était une chose juste et utile que l'Eglise eût en abondance des biens temporels et l'honneur terrestre, les autres soutenant le contraire. » Léon aurait été l'un de ces derniers et aurait préféré la liberté chrétienne avec la pauvreté, à un riche bénéfice, occasion possible de servitude et de relâchement. (V. Fasciculus temporum in PISTORIO, t. II, p. 47.)
Cette tradition est conforme à ce que Honorius d'Autun et Évrard de Béthune, au IIIe siècle, nous disent des montani, qui avaient les mêmes doctrines que les vaudois :
« Que, dans des temps de persécution, ils se cachèrent dans les montagnes et se séparèrent du corps de l'Église ou errèrent quant à la foi catholique. »
Si l'on hésitait à voir une confirmation de la tradition dans cette citation, nous en appellerions à une autre du père Moneta, professeur à Bologne et inquisiteur, vers l'an 1244. Parlant des vaudois, en qui il ne veut voir que des sectaires récents, cet auteur s'exprime comme suit :
« il est évident qu'ils tirent leur origine de Valdecius, citoyen de Lyon, qui commença cette œuvre il n'y a pas plus de quatre-vingts ans, un peu plus ou un peu moins, ainsi donc ils ne sont pas les successeurs de l'Église primitive, ils ne sont donc pas l'Église de Dieu. Or, s'ils disent que leur voie fut antérieure à Valdo, qu'ils le montrent par quelque témoignage. » (Venerabilis P. MONETA, Catharos et Valdenses, lib. V, cap . 1, § 4; Romae, 1743.)
Par ce passage, nous voyons que si Moneta combat l'ancienneté de l'Église vaudoise, il témoigne cependant que les prétendus novateurs se regardaient effectivement eux-mêmes comme les successeurs de l'Église primitive, comme de Dieu, et soutenaient par conséquent que leur voie était antérieure à Valdo. Celle citation prouve donc avec évidence que, vers l'an 1244, quatre-vingts ans au plus après Valdo, les vaudois du Piémont se soulevaient contre l'origine récente qu'on prétendait leur assigner, et s'appuyaient sur leur descendance directe de l'Église primitive.
Un second inquisiteur, Pierre Polichdorf, allemand, selon les uns contemporain de Moneta, selon les autres postérieur d'un siècle, dit aussi :
« Que les hérétiques vaudois, ces enfants d'iniquité, prétendent faussement, auprès des simples, que leur secte a continué depuis le temps du pape Sylvestre, savoir, lorsque l'Église commença à posséder des biens, » (Max. Biblioth., P. P., t. XXV, in praefat., cap. I, p.278.)
L'inquisiteur Rainier Sacco, ardent adversaire des cathares vaudois, au milieu desquels il aurait passé quelques années, avant d'entrer dans l'ordre des frères prêcheurs ou dominicains, et qui écrivait vers l'an 1250, ne parle pas seulement de cette tradition, il donne en outre plusieurs renseignements sur la secte des léonistes. Après avoir dit que, de soixante-dix sectes qui se sont formées hors de l'Église catholique, il n'en reste plus que quatre, parmi lesquelles celle des léonistes, il ajoute :
« De toutes ces sectes qui existent ou qui ont existé, il n'en est point d'aussi pernicieuse à l'Église que celle des léonistes, et cela pour trois raisons: La première, parce qu'elle est la plus ancienne, puisque selon quelques-uns elle s'est conservée depuis le temps de Sylvestre, selon d'autres depuis le temps des apôtres. La seconde raison, c'est qu'elle est la plus répandue; en effet, il n'est presque pas de pays où elle ne se trouve. La troisième raison est celle-ci, que, pendant que toutes les autres sectes inspirent l'horreur à ceux qui les entendent, par la grandeur de, leurs blasphèmes contre Dieu, celle des léonistes manifeste une grande apparence de piété, en ce que ceux qui en sont membres vivent justement devant les hommes, ont la vraie foi en Dieu, et qu'ils croient tous les articles du symbole. » (Max. Biblioth., P. P., t. XXV, cap. V et VI, p. 264 et suiv.)
Malgré la confusion intentionnelle ou involontaire que Rainier met quelquefois dans la désignation des sectes, en confondant ce qu'il devrait séparer, et en séparant ce qu'il devrait réunir, et quoique, dans ce cas particulier, il paraisse confondre les léonistes avec les pauvres de Lyon, il n' y a nul doute cependant que, dans ce qu'il vient de dire des léonistes, il n'ait en vue, non les disciples de Vaudès, ou pauvres de Lyon (puisqu'il assigne aux léonistes une origine antérieure de bien des siècles à ceux-ci), mais les vaudois que les catholiques romains de son temps affectaient déjà de confondre avec les pauvres de Lyon. Tout ce qu'il dit en effet des léonistes correspond parfaitement à ce que nous avons appris de l'histoire et de la tradition des Vaudois, et à ce que nous verrons bientôt de leur doctrine et de leur piété.
L'étymologie du nom de léonistes est aussi toute en faveur de la thèse, que nous soutenons; on ne saurait y voir une dérivation du nom de Lyon, tandis qu'on y en peut voir une toute naturelle de celui de Léon à qui les vaudois rattachaient leurs opinions religieuses.
La tradition que nous venons de rapporter sur l'origine des Vaudois est enfin confirmée par un archevêque de Turin, Claude de Seyssel, qui, dès 1517 à 1520, administra ce diocèse, dans lequel se trouvaient les Vallées vaudoises, et qui a pu et dû avoir une connaissance exacte de leurs opinions. Mais, comme il ne fait que répéter ce qui nous est connu, en le traitant de fable et de conte, nous faisons grâce de cette citation à nos lecteurs. (V. R. P. Claudii SEYSSELII 1 archiep. Taurin., adversus errores et sectam Valdensium Tractatus, cap. 1.)
Cette tradition a aussi été recueillie dans les Églises évangéliques, filiales de celles des Vallées, en Bohème et en Moravie, par exemple. »[7]