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Champignon
Nom vulgaire ou nom vernaculaire ambigu :
l'appellation « Champignon » s'applique en français à plusieurs taxons distincts.
Description de cette image, également commentée ci-après
Planche tirée du Larousse du XXe siècle de 1932. La plupart des champignons ne deviennent visibles que lorsqu'ils forment des sporophores (exemples illustrés de 1 à 61) ou des déformations de l'hôte qu'ils parasitent (62 à 69).

Taxons concernés

Parmi les Eucaryotes, les membres du règne fongique (Fungi) et plusieurs lignées distinctes de protistes fongiformes (Protista) (voir texte).

Les champignons désignent un ensemble important d'organismes eucaryotes avec des caractéristiques morphologiques, écologiques ou évolutives communes. Le terme « champignon » connaît plusieurs sens selon le contexte dans lequel il est utilisé.

Dans la langue courante, le mot désigne le sporophore des macromycètes, c'est-à-dire la partie visible qui constitue l'appareil reproducteur des champignons dits « supérieurs » et dont la silhouette la plus typique a la forme d'un parasol. Ces champignons sont connus du grand public surtout à travers l'opposition entre champignons comestibles et champignons vénéneux, ainsi que pour leurs usages médicinaux et leur représentation dans l'art et la littérature.

Dans un sens plus étendu, en sciences naturelles, on désigne comme champignons tous les membres du règne fongique (Fungi), c'est-à-dire des organismes vivants distincts, notamment, des animaux et des plantes. Ce règne englobe autant les champignons macroscopiques formant des sporophores que divers micro-organismes comme les levures, les moisissures, les agents de maladies fongiques (phytopathogènes, mycoses), les champignons aquatiques, ou encore les lichens (organismes composites résultant de la symbiose entre un champignon et une algue verte ou une cyanobactérie). Sa diversité a été revue à la hausse au XXIe siècle et engloberait plusieurs millions d'espèces, pour la plupart encore inconnues.

La taxinomie et la systématique des champignons sont en perpétuelle évolution, et certains groupes désormais exclus du règne des Fungi sont encore souvent désignés comme champignons dans la littérature en français. Il en est ainsi des « champignons-algues » (Phycomycètes) et des champignons amiboïdes (Myxomycètes), que les classifications basées sur les similarités associaient aux champignons « vrais » (Eumycètes). Ces organismes proviennent en réalité d'une multitude de lignées évolutives distinctes sans liens de parenté avec le cœur du règne des Fungi. Ils sont disséminés dans l'arbre phylogénétique des Eucaryotes aux côtés d'autres organismes anciennement considérés comme des protozoaires ou des algues et la nomenclature utilisée précédemment pour les regrouper est devenue caduque dans la majorité des cas. Ces protistes fongiformes restent cependant étudiés par les mycologues et sont traités dans la plupart des manuels de mycologie, quoique dans des chapitres distincts.

Étymologie

Agaricus arvensis.

Il existe une grande dispersion étymologique pour désigner les champignons, ce qui peut laisser penser que les hommes pré- et protohistoriques consommaient rarement ces organismes[1]. Cependant, la découverte en 1991 d'Ötzi révèle que cet homme, vivant vers 2500 av. J.-C., transportait dans son sac deux champignons, des polypores du bouleau, probablement à usage médicinal, et de l'amadou, probable allume-feu, ce qui suggère que les hommes de cette époque qui vivaient de chasse et de cueillette, ont récolté des champignons pour leur consommation, comme le font encore de nos jours maintes peuplades exploitant la nature[2].

Le terme champignon vient de l'ancien français du XIIIe siècle champignuel[3] (par substitution du suffixe -on*) du bas latin campinolius[4] « petits produits des campagnes » ou « qui pousse dans les champs » (dérivé en -ŏlu de campania), lui-même issu de la racine latine campus, « campagne », qui donne le champ[5], la plaine.

Le mousseron, perçu comme poussant dans la mousse, a donné en anglais le nom générique du champignon, mushroom. La racine de ce mot semble être la mousse, mais est plus probablement l'indo-européen *meu qui l’apparente au latin muscus (« mousse »), mucus (« morve »), mucor (« moisissure ») et au grec mykès (d'où les Mycètes) désignant d'abord les champignons en général[6]. Les termes grec et latin sont ainsi une allusion possible aux champignons qui se protègent contre la dessication par une couche de mucus qui recouvre leur chapeau et parfois aussi leur pied, ou à la mycophobie ancestrale, les champignons étant associés aux mucosités nasales repoussantes[6].

Selon une étymologie populaire, fungus et fongus sont la contraction du latin funus, « funérailles » et d'ago, « produire », rappelant les nombreux décès provoqués par les champignons toxiques[7]. Une origine plus probable de ce terme serait une allusion à l'aspect poreux ou spongieux des champignons : les mots espagnol (hongo) et italien (fungo) remontent en effet à une racine méditerranéenne[8], *sfong-/*fung-, qui a donné en grec spongos et en anglais sponge, signifiant « éponge », et en latin fungus qui signifie en même temps « champignon » et « éponge »[9].

Histoire de la nomenclature

Dans la langue commune, le terme « champignon » désigne un organisme vivant charnu, constitué généralement d'un pied surmonté d'un chapeau, à l'image du champignon de Paris ou du bolet.

Aussi loin que remontent les sources documentaires, les champignons ont attiré les hommes pour leurs propriétés comestibles ou hallucinogènes. Ils les ont aussi effrayés par leur toxicité. Les premières descriptions en langues européennes datent du Grec Théophraste (-371, -288) qui observe que les champignons (mykès) sortent des racines des chênes et que les Grecs savent les faire croître sur les fumiers[10]. On trouve de nombreuses mentions chez les auteurs gréco-latins de divers fungus (mykès) : Nicandre rapporte les noms de champignons mortels de l'olivier, du grenadier et de l’yeuse, Pline l'Ancien[11] et Dioscoride, décrivent l'agaricum[N 1] (ou en grec agaricon[12], ἀγαρικόν) et Athénée[13] comme ses prédécesseurs, distingue les champignons, la truffe et le pezis. La classification des champignons parmi les plantes vient des Grecs et perdurera jusqu'au XXe siècle.

Il faut attendre l'invention du microscope et son perfectionnement au XVIIe siècle pour découvrir les parties invisibles des champignons (nommées actuellement les "spores" et les "hyphes"), sans que l'on connaisse encore leurs rôles[14]. Au siècle des Lumières, les premières cultures de laboratoire permettent au botaniste italien Pier Antonio Micheli de décrire et dessiner les spores (qu'il appelle graines) de tous les grands groupes de champignons. Il est le premier à établir le cycle de développement partant de la spore, passant par le mycélium et donnant l'appareil reproducteur charnu (le sporophore). Mais comme ses contemporains, Michelli classe les champignons parmi les plantes et utilise les termes de graines, de fruits et même de fleurs pour désigner les parties qu'il dessine pourtant correctement (Nova plantarum genera (1729) Michelli[15]).

Linné ne sait que faire de ces êtres vivants qu'il classe comme Fungi[16] dans les Cryptogamia regroupant « les plantes dont les noces ne sont pas publiques » (Species plantarum, 1753).

Les critères morphologiques externes font partie de ceux qui sont utilisés pour classer et reconnaitre les champignons (avec l'odeur, le goût..), des indicateurs colorés, etc.

La croyance en une génération spontanée a longtemps persisté même parmi les savants. Au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, les travaux sur la multiplication des champignons comme ceux de Micheli ou de Della Porta, Malpighi et Spallanzani ont eu beau réfuter cette croyance tenace, certains (comme le botaniste Medicus, directeur de l'université de Heidelberg) continuaient à penser que les champignons provenaient de la gelée issue de la décomposition des feuilles mortes[15].

Plusieurs mycologues sont considérés comme les pères de la classification mycologique moderne : Christiaan Hendrik Persoon qui publie deux volumes du Synopsis methodica fungorum en 1801, Elias Magnus Fries qui publie entre 1821 et 1832 les trois volumes de son Systema Mycologicum, Lewis David von Schweinitz « père de la mycologie américaine » qui publie Synopsis Fungorum Carolinæ Superioris en 1822 et Miles Joseph Berkeley « père de la mycologie britannique » pour son apport dans la British Flora en 1836[17].

En 1827, J. J. Schilling décrit comment le mycélium naît de graines (samen) et comment il a suivi au microscope la germination d' Aspergillus niger. Schilling eut beau, lui aussi, publier des dessins soignés de ses observations, rien n'y fit : ceux qui considéraient les champignons comme le produit de la génération spontanée restaient toujours nombreux. On peut citer de grands noms des débuts de la mycologie comme Persoon, Rudolphi (1807), Link, Nees, Unger (1833) et même Naegeli (1842) et E.M. Fries[15]. Pourtant ce fut ce même Elias Magnus Fries (1794-1878), surnommé le « Linné des champignons », qui donna la première classification systématique des champignons dans Systema mycologicum (1821-1832) et marqua ainsi le début de la mycologie moderne. Ce n'est qu'avec le développement de la théorie cellulaire et de la théorie de l'évolution, dans la seconde moitié du XIXe siècle, que les botanistes cessent de croire dans la génération spontanée des champignons et qu'ils commencent à les détacher des plantes vasculaires. Ainsi, le botaniste autrichien Endlicher proposa de séparer le règne des Plantae en Cormophytes et Thallophytes ("plantes inférieures", non vascularisées), ces derniers regroupant les champignons, les algues et les lichens[N 2].

Les champignons sont considérés jusqu'au milieu du XXe siècle comme des plantes imparfaites en raison de leur immobilité mais leur inclusion dans le règne végétal tel qu'il a été défini par Linné a souvent été plus ou moins controversée. Comme celles des végétaux, leurs cellules possèdent une paroi et une vacuole mais, à la différence des plantes, leur paroi n'est pas constituée de cellulose mais de chitine, molécule que l'on trouve aussi chez les insectes et les crustacés. Jusqu'au milieu du XXe siècle, les naturalistes les considèrent comme des plantes primitives ou dégénérées (des thallophytes cryptogames)[18]. En 1969, Robert H. Whittaker les individualise enfin dans un règne particulier, les Fungi[14], le botaniste proposant une division en cinq règnes[19] : les procaryotes (ou bactéries, à cellules sans noyau), les protistes (eucaryotes unicellulaires), les végétaux Plantae (eucaryotes pluricellulaires photosynthétiques), les animaux Animalia (eucaryotes pluricellulaires hétérotrophes) et les champignons Fungi (eucaryotes pluricellulaires non-photosynthétiques).Les champignons avaient enfin leur règne et on aurait pu attendre un répit dans les remaniements incessants des siècles passés. La coupure avec les plantes et les animaux semblait bien établie mais c'était sans compter sur les avancées techniques dans le séquençage des gènes.

La comparaison des séquences de gènes permet de reconstruire l'histoire évolutive des êtres vivants en suivant les modifications de leur génome. Ces nouvelles méthodes de phylogénie moléculaire vont alors faire voler en éclats la division en cinq règnes[14] : finie la division en procaryotes et eucaryotes, finie la division entre règne animal et règne végétal, finie l'unité des Fungi, etc. L'évolution des eucaryotes a donné naissance à deux grandes lignées de champignons : les eumycètes ou « vrais champignons » et les pseudomycètes ou « pseudochampignons » (comme les mildious). Les vrais champignons sont de proches parents des animaux alors que les pseudochampignons sont plus proches des plantes. Les pseudochampignons Oomycètes (hétérotrophes filamenteux comme les mildious) qui par certains caractères semblent proches des vrais champignons (Eumycètes) ne sont pourtant pas monophylétiques avec ces derniers : leur ressemblance est le fruit d'une convergence évolutive car de leur ancêtre commun (le plus proche), descendent aussi d'autres lignées.

Après avoir considéré les champignons comme des plantes primitives ou dégénérées (des thallophytes cryptogames, Endlicher 1840), puis comme des organismes formant un règne à part (le règne fongique parmi les cinq règnes, Whittaker 1969) et actuellement en 2013, comme un ensemble artificiel, polyphylétique, d'organismes présentant des caractères communs par convergence évolutive, le progrès des connaissances va certainement continuer à nous obliger à toujours revoir et perfectionner les classifications. Les études phylogéniques se poursuivent toujours car la place de plusieurs groupes de champignons est encore incertaine[14].

Diversité

La fructification chez les Eumycètes, appelée précisément sporophore (organe portant les spores permettant d'accomplir le cycle de vie, terme aujourd'hui préféré à « carpophore ») est particulièrement développée pour certaines espèces, le reste de l'organisme appelé le mycélium étant souterrain et donc invisible. Certains Eumycètes disposent de sporophores en surface tandis que d'autres, par exemple ceux des truffes, sont souterrains.

Il existe cependant bien d'autres espèces appelées champignons, qu'elles soient uni- ou pluri-cellulaire, tels que les rouilles, les levures, les moisissures ou encore certains parasites de l'homme . Bien qu'ayant été par le passé regroupées au sein d'un même groupe, elles peuvent n'avoir que peu de rapport entre elles. Les actuels taxons des Fungi / Mycota, des Oomycota, des Hyphochytriomycota, des Labyrinthulomycota, et des Mycetozoa ont été classés ensemble dans le passé comme faisant partie du règne végétal du fait de la présence d'une paroi cellulaire, et de plusieurs similitudes entre leurs cycles de vie et ceux des algues avec lesquelles ils formaient les thallophytes. Les Mycetozoa, souvent décrits comme des champignons-animaux ou amiboïdes, n'ont en fait en commun qu'une ressemblance externe de leur appareil sporifère et sont assez proches des amibes. Des découvertes ont montré que les Oomycota n'étaient en revanche pas des champignons, mais plutôt des cousins des algues et des diatomées. C'est par exemple pour cela que les traitements antifongiques contre le mildiou n'ont jamais été efficaces.

Transporté dans les sciences naturelles, le mystère demeura en partie, comme le montrent les premières classifications botaniques qui les laissèrent longtemps placées dans les cryptogames ou végétaux à reproduction cachée, principalement en raison de la discrétion et de la complexité de leur mode de reproduction.

Types de champignons

On distingue plusieurs sous-groupes sans valeur taxinomique :

Il existe par ailleurs d'autres regroupements de champignons à valeur purement descriptive :

  • les charbons sont des agents de maladies cryptogamiques formant des galles noircissantes principalement sur les céréales ;
  • les levures sont des champignons unicellulaires qui ont suivi une stratégie écologique convergente avec celle des bactéries[20] ;
  • les lichens sont organismes composites résultant d'une symbiose entre un champignon et une algue verte, voire une cyanobactérie. Ils sont classés en fonction du participant fongique et considérés comme des champignons[20].
  • les mérules sont les champignons lignivores des maisons et des charpentes ;
  • les moisissures sont des champignons filamenteux microscopiques qui créent des colonies feutrées dans les milieux humides ;
  • les oïdiums sont des champignons ascomycètes provoquant sur les plantes des maladies appelées aussi pourriture blanche ;
  • les rouilles sont des agents miscroscopiques de maladies cryptogamiques formant des macules sur les feuilles des plantes.

Champignons extrêmes

Les mycètes peuvent atteindre des tailles insoupçonnées. Les fossiles de prototaxites sont de nos jours classés comme des anciens champignons de deux à neuf mètres de hauteur pour un mètre de circonférence.

Ils auraient été les plus grands organismes terrestres du Silurien et du Dévonien, entre -420 et -350 Ma.

De nos jours, c'est également un champignon qui détient le record de plus grand être vivant au monde (bien que la notion d'organisme soit discutable dans ce cas) : un mycélium de l'espèce Armillaria ostoyae couvrant près de 9 km2 (880 hectares) et pesant près de 2 000 tonnes a été identifié en 2000 dans l'Oregon, par des tests d'ADN[21],[22]. Son âge est estimé entre 2 000 et 10 000 ans[23] selon l'évaluation de sa vitesse de croissance. Le record précédent datant de 1992 était « seulement » de 600 hectares.

Biologie

Coloration

La coloration des champignons et des spores est due à des pigments fongiques. Ces pigments sont des métabolites secondaires classés habituellement autour des voies métaboliques dont ils proviennent : la majorité sont des quinones qui donnent des pigments orangés, rouges ou bruns, ou des dérivés de l'acide pulvinique donnant des pigments jaune orange (principalement dans les champignons de l'ordre des Bolétales). Les caroténoïdes et les pigments azotés (bétalaïnes, alcaloïdes) sont également présents chez les macromycètes mais sont moins fréquents que chez les plantes à fleurs[24],[25].

Ces pigments constituent un élément important de la stratégie écologique pour lutter contre les stress biotiques et abiotiques : rôle de photoprotection contre les UV, couleur plus ou moins vive avertissant les mycophages de la toxicité d'un champignon (théorie du signal honnête et aposématique) ou au contraire attirant des vecteurs biologiques qui favorisent la dispersion active et spécifique des spores, coloration cryptique ou de camouflage, défense chimique contre les herbivores et contre les pathogènes, protection contre des polluants bioaccumulés[26]...

Les champignons présentent une plasticité thermique. Cette plasticité adaptative est utilisée par les macromycètes ectothermes qui produisent dans les climats plus froids la mélanine. Ce pigment brun qui les rend plus sombres leur permet, en absorbant les rayons solaires, de se réchauffer plus vite. De plus, les champignons ectomycorrhiziens sont en moyenne plus sombres que les champignons saprotrophes. Une interprétation est que les premiers ont un accès facilité au carbone (leurs hôtes leur en fournissent une partie) pour la production de pigments coûteuse en énergie, tandis que les seconds investissent surtout leur énergie dans la production de complexes enzymatiques destinés à décomposer le bois mais. Les saprotrophes présentent cependant un léger mélanisme thermique saisonnier (ils sont ainsi plus sombres lors des saisons froides, et plus clairs lors des saisons chaudes)[27].

Développement

Les mycètes (ici Holwaya mucida (sv)) ont la capacité de se reproduire soit d'une façon asexuée (champignon anamorphe, appelé ici Crinula caliciiformis, qui se présente sous forme de massues mucilagineuses) ou sexuée (mycète téléomorphe, qui se présente sous une forme d'apothécie stipitée noirâtre).

Le développement des mycètes est caractérisé par divers processus : la sporulation, la germination des spores, la croissance de l'appareil végétatif (thalle composé d'hyphes), et la reproduction par voie asexuée ou sexuée en différenciant un appareil reproducteur, le sporophore.

Écologie

La présence de sporophores en console du Polypore amadouvier sur le volis et la chandelle d'un hêtre montre que ce dernier a été attaqué par ce champignon nécrotrophe lignicole à l'origine de la pourriture blanche qui creuse le cœur de l'arbre qu'il parasite en le faisant mourir d'épuisement. La poursuite du développement de ce macromycète sur le volis entraîne une modification rapide de l'orientation de la « fructification » en croissance, afin de pouvoir projeter les spores fongiques dans les conditions optimales.
Autre agent actif d'une pourriture du bois, l'Hypholome en touffes, champignon saprotrophe très commun.

Habitats

Bien qu’ils passent souvent inaperçus, les champignons sont présents dans presque tous les compartiments de l'environnement terrestre, y compris au sein d'organismes vivant avec lesquels ils peuvent entretenir des interactions durables dont le parasitisme n'est qu'une des formes. Mais leur activité est le plus souvent aérobie (certains comme de nombreuses levures peuvent facultativement vivre en anaérobie). Ils sont donc plus rares dans les eaux douces ou salées, dans les couches abiotiques de la croûte terrestre et en haute altitude.

Le vocabulaire mycologique concernant l'habitat des champignons est riche ; en voici un petit florilège[29] :

Stratégies nutritionnelles

Les champignons biotrophes mycorhizogènes, à « fructification » épigée ou hypogée, établissent un réseau mycorhizien. Les champignons saprotrophes participent à la dégradation de la litière et la pourriture du bois[30]. Grands agents recycleurs, les champignons sont les seuls capables de décomposer les lignines qui représentent 30 % de tout le carbone organique non fossile sur la Terre. La disponibilité de ces macromolécules polyphénoliques serait supérieure à 300 milliards de tonnes, et elle augmenterait de 20 milliards de tonnes annuellement. L'action des champignons illustre le potentiel de cette matière première biosourcée en tant que ressource pour la production durable[31].

Grâce au métabolisme de la photosynthèse, les végétaux verts peuvent fixer directement le gaz carbonique de l'air : on dit qu'ils sont autotrophes. Ce n'est pas le cas des champignons, qui sont hétérotrophes : ils doivent trouver le carbone nécessaire à leur vie dans leur environnement immédiat, sous la forme de matières organiques. Ils se nourrissent à partir de substances dissoutes par absorbotrophie selon différentes stratégies écologiques, la saprotrophie, la biotrophie mutualiste ou parasitaire (le mycologue et microbiologiste Francis Martin les associe aux trois grandes guildes d'espèces fongiques des bois, les mutualistes ou symbiotes, les décomposeurs ou fossoyeurs, et les parasites, surnommés « Le Bon, la Brute et le Truand »)[32], le commensalisme et la carnivorie.

  • Saprotrophie : les champignons peuvent se nourrir de matière organique morte ou en décomposition (feuilles mortes, débris végétaux ou animaux, excréments) : on les appelle alors des « saprotrophes » (et également « coprophiles » pour ceux qui croissent sur les excréments). On les trouve notamment en forêt, là où cette nourriture, sous forme d'humus, existe en grande quantité (champignons corticioïdes et polyporoïdes, décomposeurs de la litière, agents de dégradation du bois responsables de leur pourriture). En dégradant ainsi la matière organique morte, les champignons saprophytes remettent à la disposition des autres organismes des éléments minéraux essentiels de nouveau assimilables (azote, phosphore, carbone). Les moisissures sont également des champignons saprotrophes décomposeurs de matière organique. Ils participent ainsi au recyclage de la matière organique.
  • Symbiose mutualiste : les champignons peuvent vivre en symbiose avec d'autres êtres vivants autotrophes, au point que l'un ne peut vivre sans l'autre (endosymbiose extracellulaire comme les champignons endophytes, les lichens et les associations mycorhiziennes). Ainsi, les lichens sont des associations de champignons (essentiellement des Ascomycètes, mais aussi quelques Basidiomycètes) et de cyanobactéries ou d'algues vertes. Le champignon fournit à l'algue protection, eau et sels minéraux et, en retour, celle-ci l'approvisionne en glucides, produits de la photosynthèse. Mais la plupart des plantes vertes vivent également en symbiose avec des champignons du sol, formant une association symbiotique appelée mycorhize. Il existe des cas de symbiose avec des animaux : les champignons aident ainsi fourmis et termites à digérer la cellulose.
  • Parasitisme : les champignons peuvent également tirer parti de la matière organique vivante. Ils sont parasites et vivent aux dépens d'un être vivant à leur propre compte (biotrophie parasitaire). Souvent pathogènes, ils provoquent des maladies et entraînent parfois la mort de leurs hôtes (mycoparasites nécrotrophes d'autres champignons, parasites des algues, champignons zoopathogènes et phytopathogènes). Les anthracnoses, les oïdiums[33] sont des maladies cryptogamiques des végétaux. Chez l'humain et les animaux, des mycoses comme les dermatophytose dues à Trichophyton, les candidoses dues aux levures Candida, les aspergilloses dues aux champignons du genre Aspergillus, les cryptococcoses de Cryptococcus, la teigne, le muguet, la pneumonie, etc. sont des maladies dues à de tels champignons parasites. De nombreux parasites sont biotrophes au départ, puis nécrotrophes (notion d'agent pathogène hémibiotrophe).
  • Commensalisme : Un champignon est dit « commensal » s'il tire profit de son hôte sans nuire à ce dernier (il s'en sert par exemple comme d'un support), mais sans non plus lui apporter d'avantage. Exemples : commensalisme cutané de levures du genreMalassezia ; commensalisme digestif, respiratoire et digestif de levures du genre Candida. Il y a un continuum dynamique entre le commensalisme et le parasitisme. Si cet équilibre dynamique est rompu, ces levures commensales peuvent devenir parasites et induire des pathologies.
  • Carnivorie : 140 espèces de champignons (Arthrobotrys, pleurote en huître) sont carnivores, déployant des pièges (filament à mucus collant, cils, hyphes formant un lasso, phéromones sexuelles attitrant la proie) pour capturer protistes, amibes et vers (nématodes, rotifères)[34].

Rôles écologiques

Des mouches de la famille des Mycetophilidae (littéralement « amis des champignons ») pondent dans l'hyménium de ce Cèpe de Bordeaux. Les larves strictement mycophages creuseront des galeries dans le champignon qui prendra alors un aspect véreux.

Les champignons jouent un rôle central dans beaucoup d’écosystèmes, notamment en tant que symbiotes des arbres, mais surtout en tant que décomposeurs bouclant le cycle du carbone et de nombreux éléments. Avec les bactéries, ils sont les décomposeurs qui participent le plus à la dégradation de la matière organique et à la production d'humus dans les écosystèmes terrestres et jouent un rôle primordial dans les cycles biogéochimiques et les chaînes alimentaires, accélérant le recyclage de nombreux éléments comme l'azote, le phosphore et le potassium[35]. Certains champignons sont actifs dans les milieux humides et aquatiques, d'autres champignons mycorhiziens ont un rôle clé dans les environnements arides en assurant principalement la pérennité du couvert végétal[36]. Le mycélium fongique peut atteindre dans le sol des forêts une biomasse de 12 tonnes par hectare, constituant alors un feutrage blanc très dense d'ascomycètes et de zygomycètes[37]. La décomposition de la matière organique végétale par les champignons est une étape essentielle du cycle du carbone. Les champignons sont une source majeure de nourriture pour de nombreux animaux, invertébrés (ex : certaines espèces de fourmis qui les cultivent) mais aussi quelques mammifères dont l'écureuil, le sanglier ou l'ours brun.

Quelques champignons, comme les Zoopagales (voir Zoopagomycotina), sont des prédateurs de Nématodes qu’ils capturent au moyen d’anneau ou de pièges adhésifs.

Les champignons peuvent provoquer des biodétériorations posant problème, comme lors de contamination et d’altérations organoleptiques de produits alimentaires ou lors de dégradation ou altération de l'aspect physique de divers produits tels que le bois, le papier, des textiles, les peintures, les métaux, la pierre ou même le verre. Divers mécanismes intervenant dans la sélection naturelle leur permettent de s'adapter à certains biocides antifongiques quand ces derniers sont utilisés systématiquement.

Les champignons jouent également un rôle important au niveau du mycobiome, autrement dit la composante fongique du microbiome, notamment le microbiote de l'organisme humain. Le mycobiome dans la bouche ou sur la peau des humains contient une centaine de genres de champignons tandis que celui de l'intestin contient des centaines d'espèces de champignons, la plupart commensaux mais certains pouvant devenir pathogènes, tel Candida albicans, principal responsable de la candidose[38].

Biomasse fongique

Contrairement à une idée répandue qui veut que le poids global de tous les organismes vivant dans l'eau, l'air et le sol, soit majoritairement représenté par des êtres « visibles » de la planète, ce sont les êtres « invisibles » qui constituent la majorité. La biomasse végétale — composée des champignons microscopiques dans le sol, des racines[39] et des plantes « visibles[40] » en surface — constitue 50 % de la biomasse terrestre[41] et 75 % de la biomasse terrestre est dans le sol (champignons microscopiques et bactéries constituant l'essentiel de la biodiversité du sol)[42]. La biomasse fongique, constituée essentiellement de microchampignons, représente près de 25 % de la biomasse terrestre, soit l'équivalent de deux mille milliards d'humains[43]. Cette composante microbienne du sol se traduit ainsi par une implication forte dans les fonctions et les services écosystémiques assurés par les matrices environnementales[44].

Équilibre forestier

L'attitude des forestiers à l'égard du champignon est parfois ambiguë, car il est tantôt l'indispensable auxiliaire de la forêt et de son sol (rôle pédologique majeur), tantôt un facteur de dégradation commerciale et technique du bois (coloration, biodégradation, maladies fongiques...) et tantôt un aliment ou une source de revenu parfois importante[45] (truffes notamment).

En outre de très nombreux champignons interagissent fortement avec les radionucléides présent dans le sol ou l'eau du sol, au point d'être probablement le plus important facteur biotique intervenant dans leur mobilité[46], même pour des champignons qui ne fructifient jamais hors du sol, tels les truffes Elaphomyces granulatus qui bioacumulent fortement certains radionucléides (Césium notamment), D'autres champignons terricoles comestibles font de même (dont laccaire améthyste (Laccaria amethystina) et le bolet bai (Xerocomus badius) ou de Cortinarius caperatus (anc. Rozites caperatus), la pholiote ridée, très consommée dans les pays de l'Est (et interdite d'importation en France depuis la catastrophe de Tchernobyl)[47].

Impact écologique des champignons lignivores

La Pézize turquoise, champignon saprophage.

Il existe principalement deux grandes catégories de champignons parasitant les arbres[48], soit les champignons saprophytes qui se nourrissent d’arbres en décomposition et les champignons lignivores qui se nourrissent de matière organique vivante, c'est-à-dire la cellulose et la lignine des arbres

Ces champignons sont des parasites véritables des arbres, puisqu'ils s'attaquent à de la matière végétale vivante causant leur dépérissement jusqu'à leur mort après quelques années dans certains cas, selon la virulence du champignon en question.

Le parasitisme par les champignons se produit quelquefois en réponse à un stress important que l’arbre a subi. Par exemple : le bris d'une branche, l'écorce détériorée par les mammifères s'en nourrissant et même un accident de voiture ayant partiellement altéré son écorce[49]. Ainsi, l'arbre ayant perdu sa couche de protection externe est exposée à plusieurs parasites dont les spores des champignons. De plus, dans ces cas, l'impact écologique sur l’abondance d’une espèce d’arbre dans nos forêts est souvent minime, puisque le phénomène se produit à petite échelle, à l’exception de tous les phénomènes naturels causant des stress beaucoup plus importants. Il faut noter qu’une perte en matière végétale vivante (arbre dans ce cas) ne peut qu’être bénéfique pour les organismes décomposeurs qui ont besoin de cette matière morte afin d’assurer leur survie et le maintien des réseaux trophique de l’écosystème.

Par contre, certains champignons n’ont pas besoin de profiter de ces altérations majeures. Effectivement, les champignons ayant pour hôte une famille ou espèce d’arbres en particulier[50] réussiront à trouver une petite faille dans la défense de ceux-ci et pourront, par un simple contact, le parasiter et causer sa mort à court ou long terme. Ainsi, un champignon pourrait avoir comme hôte primaire, par exemple, un insecte, qui lui permettra de passer à travers la barrière végétale d’un arbre et d’y implanter ledit parasite mycologique. C'est ce type de champignon qui aura un plus grand impact sur la diversité forestière, surtout si aucune mesure de protection n’est prise et que l’espèce de champignon est une espèce exotique, c’est-à-dire qu’elle s’est répandue dans une région ou sur un continent où elle n’était pas présente auparavant.

D'un point de vue écologique, une espèce envahissante[51] va créer un déséquilibre naturel dans les écosystèmes déjà en place dans une région donnée. Ainsi, une espèce de champignon envahissante fera compétition à d’autres espèces animales et végétales, dites indigène, afin d’obtenir des ressources nécessaires pour assurer sa survie, ce qui finira par dégrader l’habitat de plusieurs autres espèces, altérer les ressources en eau et minéraux disponibles et même causer la quasi-disparition d’espèces locales qui n’auront pas pu compétitionner avec la nouvelle espèce. On peut nommer comme exemple la maladie hollandaise de l’orme.

Rôle dans l'altération météorique des roches

Lichen sur une pierre.

Les champignons sont des agents météoriques qui altèrent la structure superficielle et la composition chimique des roches[a] et de leurs minéraux. Ils contribuent au développement des sols et aux cycles géochimiques globaux[52].

  • Les champignons libres (non symbiotiques) trouvent à la surface des roches des nutriments d'origine variée : poussières transportées par le vent, produits émis par l'industrie et les habitations, et exsudats des micro-organismes et des insectes ou autres animaux.
  • Les lichens, organismes symbiotiques associant un champignon et une algue et/ou une cyanobactérie, pratiquent la photosynthèse donc ne dépendent pas de la présence préalable de nutriments : ils sont généralement les premiers à coloniser les roches nouvellement formées, et occupent une fraction notable de la surface terrestre. Plusieurs milliers d'espèces de lichens sont concernées.
  • Les champignons microcoloniaux, symbiotiques aussi à l'occasion, forment un troisième groupe de champignons saxicoles, qui envahissent des fissures au creusent des cavités dans la roche. On en connaît plusieurs centaines d'espèces mais leur diversité est sans doute encore sous-estimée, leur étude étant encore récente.

Les champignons altèrent les roches et les minéraux suivant différents mécanismes :

  • les mécanismes physiques comprennent la pénétration des structures d'ancrage des champignons (notamment les rhizines des lichens foliacés) associée à des cycles d'expansion et de contraction du thalle (lors de cycles d'humidification et de dessèchement), et le forage direct. Dans le cas des champignons microcoloniaux la destruction mécanique implique la turgescence intracellulaire et la production extracellulaire de polysaccharides[53]. De petits grains rocheux ou minéraux peuvent être incorporés au thalle, de même que des minéraux néo-formés chimiquement. Cette détérioration, amplifiée par l’arrachage d'une partie des lichens par certains animaux, peut être visible et significative au bout de seulement quelques années ;
  • l'altération biochimique est principalement due à l'excrétion de CO2, d'acides organiques, de sidérophores et d'autres métabolites, qui dissolvent les cations de la roche par complexation. Le principal de ces agents est sans doute l'acide oxalique, mais les lichens produisent aussi une grande variété d'acides spécifiques très corrosifs[54].

L'activité fongique a aussi pour effet le dépôt de nouveaux minéraux qui résultent de réactions d'oxydoréduction à la surface des minéraux, ainsi que de l’excrétion de minéraux par les champignons. Ces néo-minéraux (ou minéraux secondaires) sont notamment des carbonates, des phosphates, des oxydes et des oxalates. Les oxydes de manganèse, notamment, sont des composants communs du vernis noir recouvrant les roches altérées.

Menaces et conservation

Comme pour de nombreuses autres espèces, beaucoup d'espèces de champignons sont en régression. Il existe dans un nombre croissant de pays et régions des listes rouges d'espèces fongiques menacées.

Trompette de la mort.

À titre d'exemple, la liste rouge des champignons menacés de Suisse (limitée aux champignons supérieurs), mise à jour par l’Office fédéral suisse de l’Environnement en 2007, alerte sur le fait que sur 2 956 espèces et sous-espèces à propos desquelles des données fiables et suffisantes existent, 937 espèces (32 %) ont été classées comme menacées par l’Institut fédéral de recherche sur la Forêt, la Neige et le Paysage (WSL). Une espèce est éteinte, 3 % sont « en danger critique d'extinction », 12 % sont « en danger » et 17 % sont vulnérables. 63 % sont considérées comme non menacées, mais l'état des populations de 2004 des autres espèces (40 % du total des champignons supérieurs connus en Suisse) n'a pu être évalué, faute de données. En toute logique, les espèces les plus menacées sont celles dont les milieux ont le plus rapidement ou le plus fortement régressé (champignons des prés et pâturages maigres, des marais et liés au bois mort). Les espèces sont également jugées plus menacées en altitude où elles sont moins nombreuses. Sur les 937 espèces menacées, 15 % sont des champignons forestiers. C'est probablement moins que dans d'autres pays voisins grâce à la Liste rouge. Cela est certainement dû à une sylviculture plus « proche de la nature » (de type prosilva) qui a su conserver une relative naturalité aux forêts et du gros bois mort.

Deux études françaises[Lesquelles ?] ont montré que les fongicides, étaient dans le Nord de la France présents plusieurs jours par an en quantité très significative dans la pluie et l'air, au point qu'on ne peut plus parler de traces[réf. nécessaire].

De nombreuses espèces de lichens ont également fortement régressé, même si celles qui étaient indicatrices de pollution acide réapparaissent.

Utilisations et rôle économique

Les champignons jouent un rôle considérable dans nos sociétés, pas tellement parce qu'on les mange, car ils constituent rarement un aliment de base, mais parce que les maladies des plantes, dite maladies cryptogamiques, qu'ils occasionnent (surtout les ascomycètes) réduisent fortement l'offre alimentaire : ils sont responsables de 85 % des maladies de plantes et de 30 % des maladies émergentes actuelles[55]. Par ailleurs, les champignons en produisant des mycotoxines altèrent gravement les aliments et ils ont été à l'origine de graves intoxications qui ont marqué l'histoire de l'humanité. Ces toxines sont responsables selon la FAO de la perte en rendement de 25 % des récoltes mondiales[56].

En formant des mycorhizes, ils jouent un rôle essentiel dans la production végétale que ce soit dans le domaine forestier (surtout les basidiomycètes) ou les cultures annuelles (surtout les gloméromycètes). 90 % de toutes les espèces de plantes supérieures sont associées à ces mycorhizes[57].

Leurs métabolites secondaires sont sources de nombreux médicaments ou drogues.

Dans l’élaboration des aliments (pain, vin, bière, fromage...) et dans les industries biotechnologiques, ils jouent un rôle essentiel. Ils interfèrent aussi dans la dégradation ou le recyclage de matériaux. On trouve d'autres usages plus anecdotiques, comme le « briquet préhistorique » dit amadouvier.

Utilisation en alimentation

De nombreuses espèces comestibles et charnues sont utilisées à des fins alimentaires, notamment en soupes, sautées, en omelette, en friture (tenpura) ou en fricassée.La plupart des champignons n'ont pas d'intérêt culinaire ou sont toxiques[58], mais certaines espèces comestibles sont très recherchées pour leur saveur : le cèpe de Bordeaux, la truffe noire, l'oronge, etc. Le ramassage des champignons, activité encore vivace et populaire, constitue une subsistance des systèmes socio-économiques de cueillette. Celle-ci n'est pas sans risques car diverses espèces sont toxiques, voire mortellement vénéneuses, à l'origine de mycétisme, empoisonnement par méconnaissance des champignons. Des données récentes laissent penser qu'on a pu sous-estimer la toxicité naturelle ou acquise (bioconcentration de métaux lourds, accumulation de toxines avec l'âge) pour nombre de champignons[59] dont certains encore considérés comme comestibles[47]. C'est le cas par exemple de deux champignons très consommés en Chine et de plus en plus dans le monde ; l'oreille de Judas (Auricularia auricula-judae et espèces voisines) cause du syndrome de Szechwan, une atteinte plaquettaire, découverte par des dentistes intrigués par des saignements répétés chez des patients consommateurs réguliers de cuisine chinoise. C'est aussi le cas du shiitaké (Lentinula edodes) qui peut provoquer une « rare et sévère toxidermie » (éruptions cutanées liées à un mécanisme immunologique) autrefois uniquement connue au Japon et maintenant décrite en Europe (Royaume-Uni, France)[60].

Cueillette et législation

Cueillette de champignons.

La cueillette de champignons correspond principalement à la collecte de champignons comestibles à usage domestique ou dans un but commercial, plus rarement de champignons hallucinogènes ou aux médicinaux. La récolte concerne également les mycologues qui déterminent les espèces au cours d'excursions mycologiques, ou encore la prospection pour la mise en marché de champignons dans des domaines innovants (cosméceutique (en), pharmaceutique, nutraceutique, etc.).

Les prélèvements en grande quantité, voire la « sur-récolte », entraînent des atteintes à la biodiversité forestière, des troubles à l’ordre public, voire des infractions plus graves (destruction, dégradation …). La cueillette des champignons, qu'elle soit familiale ou commerciale, peut ainsi être réglementée[61].

Champignons cultivés

Marché de champignons à Taiwan

Si la culture des champignons est attestée dès l'Antiquité, peu d'espèces en Europe, malgré les différents progrès réalisés au cours du XXe siècle, se révèlent intéressantes pour une culture de type industriel ou semi-industriel. Le champignon de Paris (Agaricus bisporus) est le plus cultivé dans le monde. Il représente plus du tiers des champignons comestibles produits annuellement, suivi par le shiitaké et les pleurotes[62]. Par contre en Extrême-Orient, les espèces cultivées se multiplient au fil des années, avec des champignons tels que le shiitaké, l'éringî (nom japonais), la poule de bois, la collybie à pied de velours ou le champignon noir. La culture des champignons est appelée la myciculture (à ne pas confondre avec la mycoculture, une technique de culture utilisée en laboratoire pour les mycètes d'intérêt médical ou vétérinaire).

Principales espèces cultivées
Production

Il s’agit de champignons alimentaires sans distinction d’espèce.

Production en tonnes. Chiffres 2003-2004
Données de FAOSTAT (FAO)

Chine1 309 45542 %1 359 33542 %
États-Unis d'Amérique391 00012 %391 00012 %
Pays-Bas263 0008 %260 0008 %
France165 6475 %170 0005 %
Pologne120 0004 %120 0004 %
Espagne115 1654 %115 1654 %
Italie90 0003 %90 0003 %
Canada78 0182 %80 0002 %
Royaume-Uni77 1002 %80 0002 %
Irlande69 0002 %70 0002 %
Japon67 0002 %67 0002 %
Autres pays403 72613 %404 23813 %
Total3 149 111100 %3 206 738100 %

En médecine

Certains champignons microscopiques sont responsables de pathologies humaines infectieuses.

Certains champignons peuvent également se révéler pathogènes d'un point de vue toxique en cas d'ingestion.

En France, les pharmaciens jadis formés à identifier les principaux champignons comestibles et les champignons vénéneux, le sont de moins en moins depuis les années 2000[63].

Mycotoxines

Les mycotoxines sont responsables d'intoxications plus ou moins graves. Trois genres de champignons peuvent causer le syndrome phalloïdien qui se traduit par des troubles digestifs et une hépatite aigüe pouvant devenir fulminante : Amanita (9 espèces), Lepiota (24 espèces) et Galerina (9 espèces)[64].

Les toxines du Cortinaire couleur de rocou et du Cortinaire très joli (en) s'attaquent au rein, certains intoxiqués devant subir une transplantation rénale ou des séances de dialyse à vie[65].

Chez l'humain et d'autres mammifères, les spores du Schizophylle commun ont la possibilité de germer dans ou sur différents organes et d'être à l'origine d'infections du système respiratoire (graves œdèmes, notamment chez les personnes immunodéficientes)[66], mais aussi des yeux, de la bouche, et d'onychomycoses[67].

En écologie

Plusieurs espèces de champignon sont utilisées pour épurer un milieu (eau, air, sol) ou un substrat de culture d'un ou plusieurs polluants ou éléments chimiques indésirables : c'est la technique de mycoremédiation.

Un des critères permettant d'identifier les champignons peut être l'odeur qu'ils dégagent[68]. Les fonges émettent des composés organiques volatils montrant une grande diversité de structures chimiques : composés aromatiques, terpènes, dérivés d’acides gras (notamment l'octène-1-ol-3 que l'on retrouve chez de nombreuses espèces telles que les champignons de couche, les cèpes ou les girolles)[69]. Le ratio bactérie/champignon dépend du pH. Le ratio odeur de champignon (principalement l'octénol) / odeur de terre (due à la géosmine produite par des bactéries) permet à un écologue d'évaluer la richesse d'un sol par son odeur. Plus un sol sent l'octénol, plus il est riche en champignon et est acide (exemple : mor, moder de landes ou de forêts de résineux issues de la dégradation lente d'une litière acidifiante). Plus un sol sent l'odeur de terre, plus il est riche en bactéries qui traduisent un recyclage rapide de la matière organique avec des vers de terre (surnommés par Aristote "les intestins de la terre") consommateurs de ces bactéries (exemple : mull de pelouse, d'agrosystème, de forêt productive)[70].

Utilisations diverses

Champignons séchés, pour améliorer leur durée de conservation.
Beaucoup de champignons comme cette Clavaire dorée sont riches en tanins, d'où leur utilisation jadis comme vermifuge en raison de leur effet laxatif[71].

Près de 700 espèces de champignons, tel le shiitake ou le polypore en touffes, sont utilisés à des fins médicinales. La consommation de ces champignons médicinaux ou de leurs extraits a donné naissance à une branche de la phytothérapie, la mycothérapie[72].

Les champignons contiennent souvent des molécules organiques très complexes, plus ou moins toxiques. La pénicilline et de nombreux médicaments sont tirés de champignons. L'amadouvier, puissant hémostatique, est utilisé en médecine chinoise traditionnelle[73]. D'autres peuvent avoir des vertus psychotropes (voir l'article détaillé Champignon hallucinogène), contenant des substances dites psychédéliques.

Les « champignons filamenteux » (basidiomycètes surtout) intéressent les acteurs des biotechnologies de par leurs éventuelles capacités à rapidement biotransformer les lignocelluloses grâce à des enzymes spécialisés, ou à dépolluer certains matériaux[74] (INRA Avignon, en France Divers programmes de recherche visent à comprendre et maîtriser certains mécanismes de biotransformation fongique pour les utiliser industriellement, dont pour produire des carburants biosynthétisés. Là encore, certains craignent un risque en cas de fuite dans l'environnement d'organismes génétiquement modifiés (OGM) susceptibles de s'attaquer à des ligneux ou autres végétaux (vivants et/ou morts).

Technologies vertes Dépollution Paul Stamets et d'autres mycologues préconisent de développer la permaculture de champignons, et considèrent la fungiculture comme une source importante de nourriture et de molécules utiles pour le futur. Elle semble aussi intéressante pour la bioremédiation et la dépollution de certains sols ou matériaux ; en accompagnement de la phytoremédiation ou de l'utilisation de divers micro-organismes ; utilisées seuls ou en association èpuratrice, etc. Certaines espèces captent et stockent remarquablement bien les métaux. La mycoremédiation (parfois traduit par fongoremédiation), via la mycofiltration notamment, permettrait ainsi de détoxiquer des milieux (eau, air, sol) de façon moins coûteuse qu'avec les techniques physico-chimiques classiques et plus rapide que via la phytoremédiation. Elle demande encore cependant une meilleure connaissance et maîtrise de la culture des mycéliums dans un sol ou un substrat pollué ou dans un matériau filtrant un air ou une eau polluée.

Beaucoup d'espèces bioconcentrent fortement les métaux lourds et certaines les radionucléides (Elaphomyces granulatus par exemple), contribuant à remettre en circulation des métaux qui ont été provisoirement piégés dans des organismes animaux ou végétaux, ou naturellement présents dans le sol sur certains sites métallifères.

Valeur de bioindication

Les communautés fongiques se montrent très sensibles à certains facteurs environnementaux, dont au pH[75] et à d'autres facteurs édaphiques, ce qui leur confère une intéressante valeur bioindicatrice[76] ou donne des informations sur ses plantes-hôte en forêt[77].

Dans ou sur les sols agricoles et forestiers notamment, ou sur les bois-morts, le degré de pauvreté ou richesse (en terme d'espèces, mais aussi de diversité génétique) en champignons (dont mycorhiziens ou associés aux algues dans le cas des lichens), est bioindicatrice de la qualité du milieu, et dans une certaine mesure de sa naturalité ou son ancienneté[78].

Très résistants à la plupart des métaux lourds, ils sont de mauvais bioindicateurs de leur présence, mais ce sont souvent d'excellent biointégrateurs qui peuvent informer sur les métaux bioaccumulables dans les sols pollués et le degré de bioconcentration de certains polluants, par exemple les métaux lourds ou les radionucléides[79].

Toxicité

On a identifié à ce jour une vingtaine de champignons mortels dans le monde, une trentaine d'excellents comestibles et une grande masse de champignons immangeables car trop amers, âcres, nauséabonds, coriaces, fibreux ou trop minuscules. Comme il n'existe aucune méthode fiable pour les identifier, il importe d'abord de connaître les champignons dangereux et ensuite sélectionner les seuls champignons comestibles sûrs et savoureux, idéalement lors de sorties sur le terrain avec un connaisseur. La liste de champignons toxiques et comestibles peut être consultée chez un pharmacien (en France), ou sur le site de la Société mycologique de chaque région.

Deux types de toxicité sont à considérer

  1. La toxicité intrinsèque de certaines espèces liée à des toxines organiques produites par le champignon, qui provoquent par exemple des hallucinations, des douleurs abdominales, nausées, diarrhée sanglante, coliques, paralysies pouvant conduire à la mort (voir les détails sur la page mycotoxicologie)
  2. La toxicité induite par la forte capacité de certains champignons (dont des espèces comestibles et recherchées) à bioaccumuler certains métaux lourds toxiques (dont mercure, plomb, cadmium, sélénium, et, à un moindre degré cobalt, nickel et chrome (le chrome VI est très toxique)[80]). Les taux de cadmium mesurés dans les champignons de certaines régions où le sol est naturellement riche en cadmium ou pollué par du cadmium anthropique sont suffisants pour poser de graves problèmes de néphrotoxicité (attaque du système rénal), voire exceptionnellement pour tuer par empoisonnement aigu[80]. L'exposition à des doses souvent faibles à moyennes de radionucléides via l'exposition de champignons a des effets qui sont encore très discutés pour les faibles doses, mais les études qui ont suivi la catastrophe de Tchernobyl ont montré que le champignon était l'une des premières sources de radioactivité dans l'alimentation dans les zones de retombées du nuage[81].

En cas d'empoisonnement, le médecin peut confondre ces deux types d'intoxications.

La contamination et l'empoisonnement occasionnels d'animaux tels que vaches, chevaux, chèvres moutons par les métaux lourds pourraient en partie être dus à la consommation de champignons, y compris d'espèces à fructification souterraines, qui passent inaperçues, telles que la truffe du cerf ou les truffes recherchées par les sangliers, les écureuils ou quelques micromammifères.

Comme le rappelle Didier Michelot du CNRS, la possibilité d'empoisonnements graves, distincts de ceux produits par les toxines organiques, et dus à la consommation de spécimens appartenant aux genres (Agaricus, Pleurotusetc.) n'est pas exclue en raison de leur capacité à concentrer des métaux toxiques (dont cadmium, plomb, mercure...) à des doses très supérieures aux seuils toxicologiques.

À titre d'exemple et à partir des analyses faites par D. Michelot (CNRS) en France, on peut retenir qu'un repas typique composé de 200 g (portion moyenne) d'Agaricus arvensis frais, espèce très appréciée des cuisiniers, contenait en France 2 mg de cadmium, soit 100 fois la dose permise par les autorités de santé publique[Qui ?][82].

Russule aurore

Des risques similaires sont posés par d'autres champignons, dont certains recherchés par les amateurs :

Agaricus silvicola (30,6 ppm de cadmium),
Agaricus bresadolianus (10,7 ppm de cadmium) et, moindrement ;
Suillus variegatus (4 ppm de cadmium).

Les Agaricales accumulent les plus grandes quantités.

La teneur la plus élevée en mercure est détectée chez

Suillus variegatus (94 ppm)
Agaricus aestivalis (87,4 ppm),
Agaricus arvensis (84,1 ppm),
Pleurotus eryngii (82 ppm).

Le plomb a été détecté à des taux très élevés chez

Agaricus bresadolanus (52,2 ppm),
Morchella esculenta (44,2 ppm),
Fistulina hepatica (42,7 ppm),
Clitocybe nebularis (43 ppm),
Leccinum crocipodium (Boletus) (42,1 ppm).

Il est par ailleurs probable que les champignons symbiotes jouent un rôle dans l'accumulation de métaux dans le bois.

Symbolique et aspects culturels

L'ethnomycologie est une discipline scientifique qui a pour but d'étudier les rapports entre les champignons et les différents peuples au cours de l'histoire, sur les plans culturels, religieux, médicaux, etc.

Attitude ambivalente envers les champignons : entre mycophilie et mycophobie

Les rapports des hommes avec le règne fongique se caractérisent par une ambivalence originelle (valences symboliques multiples résultant de l'opposition mycophobie/mycophilie : toxicité/nourriture, peur superstitieuse de la mort/communication avec les dieux, nuit/lumière, sol/ciel — organisme au développement nocturne mais consommé le jour, produit de la terre mais utilisé en fumigation lors des rituels chamaniques), et expliquent qu'ils les ont cueillis, associés aux dieux ou leur ont attaché une réputation sinistre. Les néologismes mycophilie et mycophobie trouvent leur racine dans l'ouvrage de référence Mushrooms, Russia and History publié en 1957 par les ethnomycologues russe Valentina (en) et Robert Gordon Wasson[83].

L'utilisation des champignons remonte probablement aux temps les plus reculés. Des traces archéologiques révèlent la cueillette et la consommation de champignons comestibles sauvages au Chili il y a 13 000 ans[84].

Plusieurs mythologies mycophiles ont en commun de considérer les champignons comme étant les produits d'une réaction mystérieuse entre la terre humide et un élément surnaturel. Dans plusieurs cultures, ils sont considérés comme un cadeau des dieux à ceux qui n’ont pas assez à manger[85]. Dans la mythologie nordique, le premier homme Odin chevauche Sleipnir dans une forêt ou dans le ciel par des nuits orageuses, poursuivi par des démons. Des gouttes d'écume ensanglantée tombant de la bouche de son cheval Sleipnir donnent naissance à l'amanite tue-mouches dont la poussée est stimulée par la foudre[86]. Dans la mythologie balte (en), les champignons étaient considérés comme les doigts de Velnias (lt), dieu sortant des enfers pour nourrir les pauvres[87]. Des cultures mycophobes en Asie de l'Est associent les champignons à l'urine de chien[88]. Selon la théorie enthéogène des religions, certains champignons hallucinogènes sont à l'origine du phénomène magique et religieux : sorciers, chamanes et autres grands prêtres de différentes ethnies, souvent très éloignées géographiquement les unes des autres, utilisent ces substances sacrées accompagnant le surgissement des civilisations (tels les chamanes Paléo-Sibériens avec l'Amanita muscaria, ou le língzhī, « champignon divin » de la Chine)[89].

Différentes dénominations populaires des champignons rappellent leur rôle néfaste. Sénèque les appelle voluptuarium venenum, « poison voluptueux », et Pline anceps cibus, « mets suspect ». De nombreux noms vernaculaires (bolet Satan, trompette de la mort, satyre puant, cœur de sorcière, pieuvre des bois, ronds de sorcières, balais de sorcière) évoquent leur réputation sinistre[90]. Encore appelés Mycètes ou Fungi, ils ont une étymologie en lien avec leur rôle funeste. Mycète vient du grec mykes, « mucus » apparenté à de la moisissure et pourriture. Une étymologie populaire de Fungi en fait la contraction du latin funus, « funérailles » et d'ago, « produire », rappelant les nombreux décès provoqués par les champignons[91]. Ainsi selon Pline, la quatrième femme de l'empereur romain Claude aurait empoisonné son mari en remplaçant son mets favori, l'Amanite des Césars (montrant la mycophilie dans la société romaine antique, à l'inverse de la société grecque)[92],[93], par l'Amanite phalloïde, champignon probablement responsable aussi de la mort de l’empereur du Saint-Empire Romain Germanique Charles VI[94].

Au Moyen Âge, les champignons sont des produits de collecte prisés dans les sociétés de subsistance mais ils sont classés au plus bas de l'« échelle des êtres » et sont impliqués dans de nombreuses maladies cryptogamiques des végétaux qui provoquent de grands dégâts sur les plantes cultivées, notamment sur les récoltes de céréales. Les attaques des champignons phytopathogènes contribuent ainsi à faire appel à des médiateurs et au développement de rituels apotropaïques et propitiatoires (chants religieux, prières d'intercession, processions) pour favoriser la prospérité des moissons (rituels de fertilité, Rogations chrétiennes)[95]. À l'exception des champignons comestibles (moins de 0,1 % de l'ensemble des espèces fongiques), ils sont associés à la mort et la putréfaction, réputés comme pervers (forme du pied de champignons phalliques). Considérés comme des « excréments de la terre », diaboliques et démoniaques, les adeptes de la magie noire les utilisent dans leurs élixirs[96]. Il est possible que les autorités religieuses du Moyen Âge aient fait du champignon un élément chtonien maléfique pour empêcher la diffusion de ce savoir millénaire chamanique devenu ésotérique[97]. Les épidémies de mal des ardents qui s'abattent sur des régions au Moyen Âge, tuent des dizaines de milliers de personnes et provoquent des ravages jusqu'au XVIIe siècle[98].

En Asie[99], le champignon est symbole de longévité, par exemple, pour les Coréens le champignon magique est l'un des dix symboles de longévité et aussi un symbole de fertilité[100]. Dans la peinture chinoise c'est le cerf qui apporte le champignon, tous deux sont des symboles de longue vie, la croyance chinoise voulant que le cerf vive très vieux et soit donc le seul animal capable de trouver le champignon sacré de l’immortalité[101],[102].

En Bretagne, les champignons sont communément désignés en breton sous les noms de boued-touseg (« nourriture de crapaud »), tog-touseg (« chapeau de crapaud ») ou kabell-touseg (« cape de crapaud »), et ce, peu importe l'espèce. La croyance populaire associe les champignons à des furoncles poussant là où le venin de la terre se concentre ; les crapauds, animal du diable et de l'enfer, se reposant alors sous leur ombrage humide. La consommation des champignons y a par conséquent longtemps eu une image négative de nourriture dangereuse, ou, à tout le moins, sans valeur. Seules quelques espèces était nommées à l'instar de l'amadouvier (tont), la morille (morukl) et la vesse de loups (vi-douar, « œuf de la terre »; bramm-touseg, « pet de crapaud » ou encore kalon-touseg, « cœur de crapaud »). La raison de ce dégoût collectif pourrait être la mise en place d'un tabou religieux autour des champignons hallucinogènes utilisés par les religions antérieures au catholicisme[103].

En Pologne, la consommation de champignons à Noël était perçue comme un moyen d'entrer en contact avec les morts[104].

En héraldique, le champignon est le symbole de la fertilité et de la puissance sexuelle[105].

Champignons géants

La lépiote élevée est le plus grand champignon basidiomycète d'Europe. Ici un spécimen de 37 cm de diamètre récolté en Provence-Alpes-Côte d'Azur).

La rapidité de croissance des champignons qui interpelle est à l'origine de nombreuses expressions populaires (« pousser comme un champignon », « appuyer sur le champignon », ville champignon)[106], et contribue à la diffusion de légendes fongiques associées à la sinistre réputation des champignons[107].. Ils sont présents dans l'imagerie populaire sous forme de champignons géants, thème qui intéresse encore les journalistes : en sur l'île taïwanaise de Taitung, on aurait découvert deux champignons plats de 60 cm de diamètre, pesant chacun environ 20 kg[108]. En juillet 2007, un champignon géant de plus de 70 cm de haut et pesant plus de 20 kg aurait été découvert au Mexique, dans la forêt de Tapachula (Chiapas), à la frontière du Guatemala[109].

L'armillaire d'Ostoya (Armillaria ostoyae) est particulièrement connu pour détenir le titre du plus grand organisme vivant, un individu couvrant une surface de 8,9 km2 ayant été trouvé en Oregon, dans l'ouest des États-Unis[110].

Termitomyces titanicus est le plus grand champignon comestible sur terre, avec un « chapeau » atteignant un diamètre d'un mètre[111].

Dans son roman Voyage au centre de la Terre, Jules Verne évoque une forêt de champignons géants.Dans la bande dessinée L'Étoile mystérieuse, le héros Tintin est confronté à des champignons géants à la croissance instantanée. On retrouve le même thème dans le jeu de société pour enfants Spirou et les champignons géants.


Dans l'art

Alice in Wonderland, sculpture par Jose de Creeftin dans Central Park, New York.

L'artiste chrétien médiéval représente rarement les champignons, considérés comme maléfiques, si ce n'est pour évoquer leur symbolisme démoniaque. Un bolet à pied rouge et une amanite tue-mouches figurent au centre du triptyque Le Jardin des délices de Jérôme Bosch[113]. Tout comme dans Les Aventures d'Alice au pays des merveilles, le champignon évoquerait plutôt les effets hallucinogènes de certains champignons, dits magiques, modifiant la perception de la réalité[114].

Les artistes contemporains s'intéressent eux aussi aux champignons, fascinants parce qu'ils poussent dans la pourriture et prolifèrent sur des organismes morts[115].

Par exemple, un artiste comme Michel Blazy travaille, entre autres, sur les moisissures et pourrissements microscopiques générés par les altérations biologiques sur des installations éphémères. La prolifération incontrôlée de micro-organismes dont les transformations et changements d’état sont autant de moments nécessaires à l’activation de ce type d'œuvre et à son développement, au sens propre du terme[116].

Expressions francophones

  • Pousser comme un champignon : grandir très vite ;
  • Une ville champignon : une ville nouvelle qui s'est développée très rapidement, à l'instar des sporophores ;
  • Appuyer sur le champignon : accélérer en actionnant la pédale d'accélérateur d'un véhicule à moteur ;
  • Un champignon atomique : nuage formé lors d'une explosion nucléaire ;
  • Né comme un champignon : (ironique) né apparemment de nulle part, comme un champignon, c'est-à-dire de père inconnu ;
  • Un accessoire de type "butée de porte" s'appelle un champignon ;
  • les butées mécaniques qui renvoient la boule au flipper sont les bumpers ou champignons en français.

Calendrier républicain

Mode

Les champignons sont utilisés depuis peu dans la mode. En effet, on a réussi à créer un cuir à base de champignons. Son nom commercial est le Muskin, nom donné par l'entreprise Grado Zero Espace. Ce cuir est une peau extraite du chapeau du champignon. Ce cuir n'utilise pas de substance chimique et n'est pas toxique. Il est 100% biodégradable[118].

Notes et références

Notes

Références

Voir aussi

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Bibliographie

  • Jacques Delmas, Les Champignons et leur culture, Flammarion, , 969 p.
  • Philippe Silar et Fabienne Malagnac, Les champignons redécouverts, Belin, , 232 p.
  • Régis Courtecuisse, Bernard Duhem, Guide des champignons de France et d’Europe, pour reconnaître plus de 3 000 champignons(mis à jour et augmenté d'environ 1 750 espèces décrites et illustrées, soit la presque-totalité des espèces identifiables à l’œil nu en Europe, avec clefs de détermination macroscopique, Delachaux et Niestlé, 544 pages, 2011/08/18.
  • Philippe Bouchet, Yves François Pouchus, Jean Villard, Jean-louis Guignard, Les champignons : Mycologie fondamentale et appliquée, Paris, Masson, , 2e éd., 191 p. (ISBN 978-2-294-02116-9, OCLC 70811760, lire en ligne)
  • Michel Lagarde, Le Droit du champignon forestier, 2008., 132 p. (ISBN 978-2-9504277-5-5, lire en ligne)
  • Francis Martin, Tous les champignons portent-ils un chapeau ? : 90 clés pour comprendre les champignons, Versailles, Quae, , 184 p. (ISBN 978-2-7592-2174-5, lire en ligne)
  • Francis Martin, Sous la forêt. Pour survivre il faut des alliés, Humensis, , 240 p. (lire en ligne)

Articles connexes

Clés de détermination en ligne

Liens externes



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