Mur des Fédérés

monument aux morts à Paris

Le mur des Fédérés est une partie de l'enceinte du cimetière du Père-Lachaise, dans le 20e arrondissement de Paris, devant laquelle 147 fédérés, combattants de la Commune, ont été fusillés par l'armée versaillaise à la fin de la Semaine sanglante, en , et jetés dans une fosse commune ouverte au pied du mur. Depuis lors, il symbolise la lutte pour la liberté, la nation et les idéaux des communards.

Mur des Fédérés
Le mur des Fédérés en 2011, année des 140 ans de la Commune de Paris.
Présentation
Type
Localisation
Localisation
Coordonnées
Carte

Le mur est à l'angle sud-est du cimetière, dans la division 76.

Histoire

Dernières heures de la Commune

Le cimetière du Père-Lachaise, dimanche 28 mai 1871, dessin d'Henri-Alfred Darjou.
Le mur en 1900, photo d'Eugène Atget.

Le nom du mur renvoie aux derniers moments de la Commune de Paris. L'expérience insurrectionnelle ouverte le voit la garde nationale parisienne — les « fédérés » — confrontée à partir du à l’avancée de l'armée de Versailles, entamée à l’ouest de la capitale par l'occupation du mont Valérien. L'affrontement, meurtrier, s’achève entre le et le , au cours de la Semaine sanglante[1].

Le samedi , seul le quartier de Belleville résiste encore ; les canons communards tirent leurs dernières munitions depuis les hauteurs des Buttes-Chaumont et du Père-Lachaise, où les combats se poursuivent au corps-à-corps jusqu'entre les tombes[1]. Vers la fin de l'après-midi, les versaillais sont maitres du cimetière[2]. Ils fusillent les 147 fédérés survivants le dos au mur d’enceinte et jettent leurs corps dans une fosse commune creusée à son pied[3]. Au cours des heures et des jours qui suivent, des centaines d'autres cadavres[4], fédérés pris plus loin et fusillés là[5] ou exécutés ailleurs et amenés à pleines charretées, sont enfouis aux côtés des premiers, entassés sur trois rangs de hauteur[6]. Dans les rues avoisinantes, le dernier coup de feu est tiré le dimanche à 14 heures, marquant la défaite de la Commune et le début de la répression officielle[5].

Selon Karl Marx, la Commune est la seule période de l'histoire française durant laquelle fut — brièvement — réalisée une dictature du prolétariat. En effet, cet épisode révolutionnaire s'est, selon lui, construit sur un soutien fort de la classe ouvrière et, plus largement, d'une importante partie de la population parisienne, qui y a versé son sang. Cette lutte d'importance et la terrible répression qui s'ensuivit (pour la Semaine sanglante, de l'ordre de 6 500 morts dont 1 400 fusillés selon les estimations les plus récentes de Robert Tombs[7],[8], 10 000 victimes restant pour Jacques Rougerie une évaluation plus plausible[9]) laissèrent un souvenir vivace.

Les estimations des historiens ont été remises en cause dans un livre publié chez l'éditeur « à visée politique » Libertalia par la mathématicienne Michèle Audin[10]. Sa démonstration, reprenant toutes les sources, aboutit à un minimum de 15 000 morts, soit autour d'un minimum de 12 000 fusillés, auxquels il faudrait ajouter le nombre inconnu de ceux qui n'ont pas été décomptés dans les sources officielles (brûlés dans les casemates, jetés dans les puits, enterrés dans des fosses en banlieue, etc.). Sans atteindre le chiffre d'au moins 30 000 fusillés qu'avait avancé Camille Pelletan (La Semaine de mai, 1880), il n'est désormais plus irréaliste pour cet auteur de situer à entre 15 000 et 20 000 le chiffre de communards fusillés. De son côté, Jacques Rougerie conclut qu'un bilan de 10 000 victimes semble le plus plausible et « reste énorme pour l'époque ».

Le souvenir de cette répression se cristallisa autour du mur des Fédérés, emblème d'une époque d'autant plus insaisissable qu'elle fut brève et laissa peu de monuments.

Symbole de l'émancipation ouvrière

Une de L'Humanité au lendemain de la montée au mur des Fédérés en 1936.

De nombreux événements montrent que le mur des Fédérés fut un lieu de commémoration important, un symbole fort d'émancipation et de liberté dans la mémoire militante :

Tous les ans, le , jour de la Journée internationale des travailleurs, le Grand Orient de France accompagné de nombreuses obédiences maçonniques, des représentants de la libre-pensée, ainsi que le Parti communiste français et des organisations syndicales, rendent hommage aux victimes de la Commune et à celles du nazisme en se rendant au mur des Fédérés.

En , Pierre Mauroy, qui vient d'être nommé Premier ministre, dépose une gerbe devant le mur des Fédérés ; c'est le premier chef de gouvernement en exercice à venir y rendre un hommage[13],[14].

Jules Jouy chante le mur et les fusillés en 1887 sous les titres Le Tombeau des fusillés et Le Mur.

Monuments

Monument Aux victimes des révolutions, construit dans le jardin Samuel-de-Champlain le long du Père-Lachaise, avec les pierres du mur originel.

Avec d'autres éléments du Père-Lachaise, le mur des Fédérés a été classé monument historique par arrêté du [15]. Il porte une plaque de marbre gravée de l'inscription :

« AUX MORTS DE LA COMMUNE 21-28 Mai 1871 »

La plaque de marbre d'origine a été déposée dans le local des Amies et Amis de la Commune de Paris, rue des Cinq-Diamants dans le 13e arrondissement de Paris.

En face, se trouvent les tombes de plusieurs personnalités communardes, telles que Jean-Baptiste Clément ou Paul Lafargue et Laura Marx[16].

Matériellement, l'édifice n'est pas celui contre lequel les fédérés ont été fusillés : abimé, le mur a été reconstruit[3] en même temps que l'ensemble de l'enceinte[16]. Des pierres du bâti d'origine ont été réemployées à la construction d'un monument[3] intitulé Aux victimes des révolutions[17] : cette œuvre, sculptée en 1909 par Paul Moreau-Vauthier[18], se trouve de l'autre côté du cimetière, adossée à la paroi extérieure de l'enceinte nord, dans le jardin Samuel-de-Champlain[16].

Plaque commémorative des soldats Fédérés de 1871.

Lors de la démolition de l'annexe du cimetière de Charonne, située de l'autre côté du chemin du Parc-de-Charonne, pour le creusement du Réservoir de Charonne que la Ville de Paris fit construire en 1897, les terrassiers mirent au jour près de huit cents squelettes encore enveloppés de vêtements militaires. Il a résulté de l'examen des boutons d'uniformes que ces restes étaient ceux de Fédérés fusillés sommairement et enterrés à la hâte en à cet endroit dans des fosses communes. Ces squelettes de corps de soldats fédérés furent ré-inhumés en 1897 sans épitaphe le long du mur côté sud du cimetière actuel. Une plaque commémorative y est apposée.

Notes et références

Voir aussi

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Bibliographie

  • Alain Dalotel, « La « montée » au mur des Fédérés : Un pèlerinage rouge (1878-1914) », Gavroche, no 9,‎ , p. 14–20 (lire en ligne [PDF]).
  • Franck Frégosi, « La « montée » au Mur des Fédérés du Père-Lachaise : Pèlerinage laïque partisan », Archives de sciences sociales des religions, no 155,‎ , p. 165–189 (DOI 10.4000/assr.23359).
  • Mathilde Larrère, « La Commune, le cri du peuple de Paris », dans Mathilde Larrère (dir.), Révolutions : Quand les peuples font l'histoire (textes issus du colloque international D'une révolution à l'autre, histoire des circulations révolutionnaires, Université de Paris-Est Marne-la-Vallée, 12-14 juin 2013), Paris, Belin, coll. « Histoire », , 239 p. (ISBN 978-2-7011-6275-1), p. 84–93 [lire en ligne], « La naissance d’un lieu de mémoire : le mur des Fédérés », p. 93.
  • Claude Quétel, « Murs singuliers », dans Claude Quétel (dir.), Histoire des murs : Une autre histoire des hommes, Paris, Perrin, coll. « Tempus » (no 525), , 318 p. (ISBN 978-2-262-04342-1), p. 95–128 [lire en ligne], « Martyre : le mur des Fédérés », p. 118–128.
  • Madeleine Rebérioux, « Le mur des Fédérés », dans Madeleine Rebérioux (dir.), Pour que vive l’histoire : Écrits, Paris, Belin, coll. « Littérature et politique », , 798 p. (ISBN 978-2-410-00868-5), p. 479–500 [lire en ligne] ;
    texte issu de « Le mur des Fédérés : rouge, « sang craché » », dans Pierre Nora (dir.), Les Lieux de mémoire, vol. 1 : La République, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque illustrée des histoires », , 674 p. (ISBN 2-07-070192-1).
  • Danielle Tartakowsky, « Un espace politique », dans Catherine Healey (dir.), Karen Bowie (dir.) et Agnès Bos (dir.), Le Père-Lachaise, Paris, Action artistique de la Ville de Paris, coll. « Paris et son patrimoine », , 219 p. (ISBN 2-913246-00-1), p. 100–107. Développé dans Tartakowsky 1999.
  • Danielle Tartakowsky, Nous irons chanter sur vos tombes : le Père-Lachaise, XIXe – XXe siècles, Paris, Aubier, coll. « Collection historique », , 275 p. (ISBN 2-7007-2310-4, présentation en ligne). Développement de Tartakowsky 1998.

Articles connexes

Liens externes

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