Michel Sarrazin
Michel Sarrazin[2], né le à Gilly-lès-Cîteaux[3],[4], aujourd'hui dans le département français de la Côte-d'Or, à peu de distance de Nuits-Saint-Georges, et mort le à Québec, est un naturaliste, médecin et chirurgien de Nouvelle-France. Il était membre du Conseil souverain (ou Conseil supérieur)[5],[4] de la colonie.
Biographie
Sarrazin est le « fils de Claude Sarrazin, lieutenant en la justice des terres de l'abbaye de Cîteaux, et de Madeleine de Bonnefon[6] ». Il arrive une première fois en Nouvelle-France en 1685 comme chirurgien de navire[7] ; il sert comme chirurgien major[8] dans l'armée coloniale jusqu'en 1694, puis va étudier à Paris pendant trois ans, y prenant sans doute des contacts ; il prend son titre de docteur à Reims ; c'est durant ces études qu'il s'intéresse à la botanique, science alors très proche de la médecine[9].
En 1695, l'intendant supplie son ministre d'envoyer un médecin au Canada ; il mentionne nommément Sarrazin[10]. En 1697, Sarrazin reprend le bateau pour la colonie ; une épidémie éclate à bord et Sarrazin se dévoue[11] ; l'épidémie s'étendra à Québec à l'arrivée du bateau et, lui-même convalescent, il continuera à soigner. Il s'établit définitivement à Québec ; il pratique à l'hôtel-Dieu et à l'Hôpital général ; en 1699[12] il reçoit le titre de médecin du roi. Il pratique la première mastectomie d'Amérique[13],[14].
Sarrazin devient membre correspondant de l'Académie royale des sciences en 1699.
Il se marie en 1712, à 53 ans, avec Marie-Anne Hazeur, fille du seigneur de La Malbaie[15]. Sa femme lui apporte en dot des seigneuries[16]. Vers la fin de sa vie il s'adonne aux affaires ; mais son associé meurt et il s'ensuit des procès ruineux qui ne prendront fin qu'après sa mort à lui[17].
Il meurt sur sa terre d'adoption le et est inhumé dans le cimetière des pauvres[18],[19],[20]. Son successeur, après une vacance de sept ans, sera Jean François Gauthier.
Contributions
Ce n'est peut-être pas, insinue l'abbé Laflamme[21], d'abord pour exercer la médecine, et ensuite pour faire du travail scientifique, que Michel Sarrazin est venu en Nouvelle-France ; mais l'inverse. La tâche de faire briller la France dans les sciences et d'amener des plantes médicinales exotiques dans le jardin du roi est alors en effet extrêmement importante[22].
Sébastien Vaillant écrit, dans son Discours sur la structure des fleurs, en parlant des genres botaniques appelés par lui Araliastrum et Aralia :
« Toutes les espèces de ces deux genres, à l'exception de la dernière de l'un et l'autre, sont communes en Canada, d'où Monsieur Sarrazin, conseiller au Conseil supérieur, médecin du roi et correspondant de l'Académie royale des sciences, les a envoyées pour la première fois, au Jardin royal de Paris, dès l'année 1700[a].
Les habitants de la colonie, et ceux de la Virginie[b], appellent salsepareille la première espèce d'Aralia, parce que ses racines en ont à peu près la figure et les vertus. Monsieur Sarrazin dit avoir traité un malade d'une vomique[c], lequel par l'usage d'une boisson faite avec ces racines, s'était guéri d'une anasarque[d], deux ans auparavant. Cet habile médecin assure que les racines de la seconde espèce, étant bien cuites et appliquées en cataplasme[e], sont très bonnes pour la guérison des vieux ulcères, de même que leur décoction[f], de laquelle on bassine[g] et seringue[h] aussi les plaies[i]. »
Dans cette citation apparaît à peu près tout ce qui forme le travail de Sarrazin.
- Le médecin-botaniste a l'idée (d'où ? de la médecine amérindienne ? à cause de la ressemblance à une plante de France ? à cause de témoignages qu'il a reçus ?) de rechercher les propriétés curatives d'une plante.
- Il expérimente sur cette plante dans le cas de divers troubles de santé ; il recueille les témoignages de ceux qui s'en sont servis.
- Il fait un rapport (un « mémoire ») et l'envoie, éventuellement avec des graines ou des plantes, au directeur du jardin du roi en France (Vaillant dans ce cas-ci).
- Vaillant enrichit le jardin du roi des nouvelles découvertes, s'il y a lieu, et nous fait part des nouvelles connaissances[j].
- Notes de la citation
Rédaction de mémoires
Sarrazin est, à l'Académie des sciences, correspondant de Pitton de Tournefort le , puis de Réaumur le [23], c'est-à-dire que ses communications sont lues à l'Académie par le premier puis par le second.
Les mémoires de Sarrazin portent notamment sur le castor, le rat musqué[24], le porc-épic, le glouton (ou carcajou[25]), l'orignal et le phoque (ou veau marin). Ont également leur place ici les lettres envoyées par Sarrazin à des membres de l'Académie[26].
Collecte de spécimens
L'herbier de Sarrazin, dont l'original est perdu, « comptait peut-être jusqu'à 800 spécimens. Des copies de la plupart de ces spécimens se trouvent cependant dans diverses collections à Paris[27],[28] ».
Il envoie des plantes à Tournefort, puis à Sébastien Vaillant[29] (par exemple le ginseng américain[30]), directeur du jardin du roi, et à son collaborateur Antoine-Tristan Danty d'Isnard.
Quelques-unes de ces plantes méritent une mention particulière. La sarracénie, puisqu'elle porte son nom[31], et le ginseng d'Amérique puisque, après son identification avec le ginseng de Chine par le père Lafitau, il sera au centre d'une bulle économique.
Publications (liste partielle)
Mémoires
- Abréviation : HARS : Histoire de l'Académie royale des sciences
- « Extrait d'une lettre de M. Sarrazin, médecin du roi en Canada, touchant l'anatomie du castor », HARS : année 1704, Paris, Hochereau, 1722, p. 48–66[α],[32]
- « Extrait de l'histoire du carcajou, envoyée par M. Sarrazin » (1713), dans J.-L.-F.-P. Roux et Guéneau de Montbeillard, Collection académique composée des mémoires, actes ou journaux des plus célèbres académies et sociétés littéraires […], 1769, p. 505[33]
- « Extrait de divers mémoires de M. Sarrazin, médecin du roi à Québec et correspondant de l'Académie, sur le rat musqué », dans Mémoires de l'Académie royale des sciences : année 1725, p. 323–345 + figures[β]
- « Observations sur le porc-épic extraites de mémoires et de lettres de M. Sarrazin […] », HARS : année 1727, p. 383[β]
- « Observations botaniques III », HARS : année 1730, 1732, p. 65 — Sur Acer saccharum (l'érable à sucre).
- sans titre (sur le Rat d'Amérique), HARS : année 1739, Imprimerie Royale, 1741, p. 26
- Notes des mémoires
- L'académicien qui lisait la communication du correspondant avait passablement de liberté ; il pouvait par exemple résumer plusieurs communications en une seule.
Autres travaux
- Sarrazin « aurait rédigé un traité sur la pleurésie[4] ».
- Histoire des plantes du Canada, « manuscrit de 200 pages rédigé en 1707[34] »
Bibliographie
- « Michel Sarrazin (1659–1734) », dans la série De remarquables oubliés, sur le site de Radio-Canada ; diffusé le
- « Michel Sarrazin (1659–1734), un vil médecin du roi en Nouvelle-France », bulletin 25 (), Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs
- [Encyclopédie canadienne] « Michel Sarrazin », dans l'Encyclopédie canadienne
- Maude Abbott, « An early Canadian biologist, Michel Sarrazin (1659–1735) — His life and times », dans Can Med Assoc J, 1928 (nov.), 19(5), p. 600–607
- [Barbeau 2016] Gilles Barbeau, « Michel Sarrazin et le « quinquina du Canada » », dans Histoire Québec, vol. 21 (2016), no 3, p. 23 (ISSN 1923-2101)[35] — Extrait
- Bernard Boivin, La flore du Canada en 1708 : étude d'un manuscrit de Michel Sarrazin et Sébastien Vaillant, coll. « Provancheria », no 9, 1978 — D'abord paru dans Études Littéraires, vol. 10, nos 1 et 2 et avril–
- Cécile Gagnon et Emmanuelle Bergeron, Michel Sarrazin, médecin et botaniste en Nouvelle-France, 2012, 69 p.
- Jean-Richard Gauthier, Michel Sarrazin : Un médecin du roi en Nouvelle-France, Sillery, Septentrion, 2007, 126 p.
- [Laflamme 1887] Joseph-Clovis-Kemner Laflamme, « Michel Sarrazin, matériaux pour servir à l'histoire de la science en Canada », dans Délibérations et mémoires de la Société royale du Canada, 1887
- [DBC] Jacques Rousseau, « Sarrazin (Sarrasin), Michel », dans Dictionnaire biographique du Canada
- Louis-Martin Tard, Michel Sarrazin : le premier scientifique du Canada, XYZ, 1996, 211 p.
- Arthur Vallée, Un biologiste canadien, Michel Sarrazin, 1659–1735 : sa vie, ses travaux et son temps, 1927, 291 p. — Recension : Maude E. Abbott, « An early Canadian biologist, Michel Sarrazin (1659–1735) — His life and times », dans Can Med Assoc J, 1928 (nov.), 19(5), p. 600–607
Compléments
Honneurs
- Le nom de ce premier scientifique français établi en Nouvelle-France a été donné au prix Michel-Sarrazin « remis annuellement à un scientifique québécois chevronné qui, par son dynamisme et sa productivité, a contribué de façon importante à l'avancement de la recherche biomédicale »[37].
- La maison Michel-Sarrazin, spécialisée en soins palliatifs, perpétue également son souvenir[38].
- Une plaque sur le mur extérieur de l'hôtel-Dieu de Québec[36] rappelle Sarrazin ; il y est dit qu'il est « considéré comme le premier scientifique canadien[12] ».
- Les sarracénies (les membres du genre Sarracenia), sont des plantes carnivores d'Amérique du Nord qui rappellent le nom (latinisé) de Sarrazin[31].
- Il y a une rue Michel-Sarrazin à Montréal, une rue et un chemin du même nom à Trois-Rivières.
- Sébastien Vaillant avait donné plusieurs fois à des plantes le nom de Sarrazin[39] comme nom du classificateur, mais c'est le système de Linné qui a prévalu.
Notes et références
Liens externes
- Ressource relative à la recherche :
- Gabrielle Simoneau, Courte présentation sur Michel Sarrazin, 2015, site prezi.com — Droits : « public et réutilisable »