Marxisme culturel
La notion de marxisme culturel décrit une théorie du complot[1],[2],[3],[4],[5], répandue dans les milieux conservateurs et d'extrême droite. Bien que l'origine du terme remonte à l'ouvrage de Trent Shoyer The Critique of Domination : The Origins and Development of Critical Theory[6], le terme a également été utilisé par une partie de la droite, d'après laquelle l'École de Francfort et la pensée politique de gauche sont à la base d'un complot qui vise à « détruire la culture occidentale »[5],[7],[8],[9],[10],[11],[12],[1]. Ces derniers attribuent à la théorie critique le multiculturalisme, et le politiquement correct. D'autres personnalités faisant référence à l'usage plus académique de la notion de marxisme culturel[12],[11] critiquent également son impact sur le politiquement correct, la polarisation de la politique ou encore ce qui est parfois appelé la « gauche régressive ». La notion est employée par des figures du conservatisme américain, tels que William S. Lind, Pat Buchanan, Paul Weyrich (en) et le think-tank américain conservateur Free Congress Foundation (en)[13],[14],[15],[16], ainsi que même récemment par des penseurs tels que Russel Blackford[17], Richard Weiner[18] ou encore Dennis Dworkin[19].
Histoire
Dans son sens propre, le terme remonte à 1973, il faudra attendre une vingtaine d'années pour que la version conspirationniste du terme fasse son apparition, avec des critiques à l'encontre de l'École de Francfort par Michael Minnicino dans son essai de 1992, Les nouveaux âges sombres : L'École de Francfort et le politiquement correct, publié par l'Institut Schiller[20],[21],[22]. L'article de Minnicino accuse l'École de Francfort d'avoir imposé le modernisme dans l'art en tant qu'une « forme de pessimisme culturel », et pour avoir joué un rôle prépondérant dans la contre-culture des années 1960[20]. En 1999, Lind est à la base de la création d'un film documentaire de plus d'une heure, Le politiquement correct : L'École de Francfort[21]. Sur la base de ce film sont créés « … de nombreux textes, qui sont partagés sur des sites d'extrême droite. De leurs côtés, ils inspirent un déferlement de vidéos sur YouTube, auxquels participe un drôle de casting de pseudo-experts, régurgitant dans une ligne politique d'une simplicité engourdissante : tous les maux de la culture américaine contemporaine sont dus au féminisme, à la discrimination positive, à la libération sexuelle, aux droits LGBT, au déclin de l'éducation traditionnelle, au mouvement écologiste ; et toutes ces choses là sont dues à l'influence des membres de l'Institut de Recherche sociale, qui sont venus aux États-Unis dans les années 1930[21]. »
Bien qu'on puisse encore trouver des exemples d'utilisation par des penseurs de gauche au début des années 2000[19], plus récemment, le terroriste norvégien Anders Behring Breivik, dans son document 2083 : Déclaration européenne d'indépendance, qu'il a envoyé par courriel accompagné de Le politiquement correct : Histoire courte d'une idéologie de la Free Congress Foundation, à 1003 adresses 90 minutes avant les actes terroristes qu'il a perpétrés à Oslo en 2011, désigne le « marxisme culturel » et l'islam parmi ses « ennemis »[23],[24],[25].
Pour Jérôme Jamin, philosophe et professeur en sciences politiques, « Avec la dimension globale de la théorie du complot du marxisme culturel, nous avons assisté à l'apparition d'une autre dimension : celle qui permet à certains d'éviter le discours raciste classique et de prétendre qu'ils sont des défenseurs de la démocratie[13]. » Pour Jamin, l'aspect complotiste du terme est renfloué par la désignation [d']un groupe animé par une intention malveillante est clairement identifié[26].
En dépit de l'utilisation la plus ancienne de ce terme par un défenseur de la théorie critique[6], le professeur de l'Université d'Oxford Matthew Feldman fait remonter l'étymologie du terme jusqu'à la notion allemande de l'avant-guerre de « bolchevisme culturel », partie du discours de « dégénération de la société », qui contribue à l'avènement au pouvoir d'Adolf Hitler.
Au Brésil, le gouvernement de Jair Bolsonaro déclare « la guerre contre le marxisme culturel », ce qui se traduit par des actes de censure ou des pressions sur les artistes[27]. La lutte contre le marxisme culturel est également reprise par Javier Milei, élu président d'extrême droite de l'Argentine en 2023[28].
Références
Liens externes
- Jérôme Jamin, Anders Breivik et le « marxisme culturel » : États-Unis/Europe, Amnis, 2013, DOI:10.4000/amnis.2004