Madeleine Lemaire

peintre française

Madeleine Lemaire, née Jeanne Magdelaine Colle, est une peintre, illustratrice et salonnière française, née le [2] aux Arcs et morte le à Paris[3].

Madeleine Lemaire
Madeleine Lemaire photographiée par Paul Nadar
(1891, détail)[1].
Biographie
Naissance
Décès
Nom de naissance
Jeanne Magdelaine Colle
Nationalité
Domicile
Activités
Enfant
Suzette Lemaire (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Autres informations
Maître
Genre artistique
Distinction
signature de Madeleine Lemaire
Signature

Elle fut l'un des modèles qui inspira le personnage de Madame Verdurin dans À la recherche du temps perdu de Marcel Proust.

Biographie

Jeanne Magdelaine Colle épouse Casimir Louis Philippe Lemaire, employé à l'hôtel de ville de Paris, le dans le 8e arrondissement de Paris[4].

Elle est l'élève de Jeanne-Mathilde Herbelin (1820-1904)[5] et de Charles Chaplin (1825-1891). Elle se spécialise dans les scènes de genre (parfois dans le goût du XVIIIe siècle) et mondaines, et surtout dans les natures mortes et les fleurs. Elle débute au Salon de 1864, où elle expose tout au long de sa vie, y recevant des prix en 1877 et en 1900. Elle expose également au Salon de la Société d'aquarellistes français à partir de 1879. Madeleine Lemaire illustre aussi des livres, comme Les Plaisirs et les Jours de Marcel Proust, ou L'Abbé Constantin de Ludovic Halévy, ou encore les poèmes de Robert de Montesquiou.

Pierre Georges Jeanniot, Une Chanson de Gibert dans le salon de Madame Madeleine Lemaire (1891), Roubaix, La Piscine.

Chaque mardi, d’avril à juin, Madeleine Lemaire reçoit le Tout-Paris[6] dans son hôtel particulier parisien du 31, rue de Monceau, dans ce qu'André Germain appelle « de chaudes tueries. » Son jardin est planté de lilas. Elle reçoit aussi bien l'aristocratie du faubourg Saint-Germain (les La Rochefoucauld, Luynes, Uzès, Haussonville, Chevigné, Greffulhe, la comtesse de Pourtalès, Boni de Castellane, la marquise de Casa Fuerte[7], la duchesse Grazioli, les Brissacetc.) que de jeunes artistes et des célébrités de la scène ou de la politique. Comme Mme Verdurin, dont elle est l'un des modèles, elle a des arrêts définitifs du genre : « Je ne veux pas de ça chez moi ! » (Ghislain de Diesbach).

Henri Gervex, Un mardi, soirée chez Madeleine Lemaire (vers 1910), Paris, musée Carnavalet.

Son atelier transformé en salon accueille des personnalités aussi diverses que de jeunes talents qu'elle lance comme Marcel Proust — qui est invité à partir de 1892[8] et décrit son salon pour les lecteurs du Figaro — et Reynaldo Hahn[9] ou des artistes au sommet de leur gloire, comme Victorien Sardou, Guy de Maupassant, Paul Bourget, Mounet-Sully, Sarah Bernhardt ou François Coppée. Des cantatrices viennent y donner des récitals privés comme Emma Calvé, Gabrielle Krauss ou Marie Van Zandt, car, comme chez Mme de Saint-Marceaux, la musique est à l'honneur chez Madeleine Lemaire, contrairement au salon de Mme Arman de Caillavet. Elle y invite par exemple Camille Saint-Saëns[10] ou Jules Massenet. Des comédiens que les salons parisiens se disputent viennent obligatoirement à ses réceptions, ainsi de Lucien Guitry, Réjane[11], ou des auteurs à la mode comme Henri Rochefort, Robert de Flers, Francis de Croisset, Georges de Porto-Riche, le jeune Gaston Arman de Caillavet, le poète Robert de Montesquiou[12] dont elle est proche. Madeleine Lemaire invite aussi bien la grande-duchesse Vladimir, la duchesse douairière d'Uzès[13] que Marie Diémer, le chanteur Félix Mayol que Coquelin aîné, le journaliste Gaston Calmette qu'Anatole France. La politique est représentée par Raymond Poincaré, Paul Deschanel, ou Émile Loubet, et la peinture par Jean-Louis Forain, Jean Béraud — dont certaines scènes rappellent celles d'Elstir dans l'œuvre de Proust[14] — ou Pierre Puvis de Chavannes, les portraitistes mondains Antonio de La Gandara et Raimundo de Madrazo, le peintre de bataille Édouard Detailleetc. Des généraux, comme le général Brugère, peuvent y croiser l'ambassadeur de Russie, ou bien celui d'Allemagne ou celui du royaume d'Italie.

André Germain, qui fut son invité, l'appelait « la massacreuse de roses[15] », et la trouvait « laide, disgracieuse et autoritaire. » Il décrit ses réceptions de ces mots : « On étouffait chez elle, dans des soirées pénibles, avec de longs intermèdes musicaux[15]. »

Le , elle donne un bal costumé dont le thème est Athènes au temps de Périclès[16]. Les invités aristocratiques s'y pressent en faisant des entrées théâtrales, sauf Montesquiou qui se méfiait de la désacralisation qu'une telle soirée infligeait au Parnasse des poètes et des philosophes. Proust y assiste caché dans un coin, en habit et en pelisse, ayant refusé de se déguiser[17].

L’été, Madeleine Lemaire déplace ses invités et les installe dans son château de Réveillon — qui rappelle La Raspelière de la Recherche —, dans la Marne, ou dans sa villa dieppoise au 32, rue Aguado, où elle invite notamment Proust et Reynaldo Hahn.

En 1890, la Société nationale des beaux-arts est refondée, plus ouverte à la liberté artistique, par Ernest Meissonier avec Auguste Rodin, Jules Dalou, Pierre Puvis de Chavannes… Madeleine Lemaire en devient l'une des deux seules membres féminines, avec la peintre Louise Catherine Breslau, sur 184 sociétaires[18].

Affiche de l'exposition du Woman's Building de l'Exposition universelle de 1893 à Chicago par Madeleine Lemaire.

Elle fait partie de la délégation de femmes françaises artistes présentées à l'Exposition universelle de 1893 à Chicago, regroupées dans le Woman's Building[19] ; elle exécute l'affiche officielle et la couverture du catalogue.

Elle est en 1900 le professeur de l’aquarelliste Blanche Odin. Marie Laurencin fait également partie de ses élèves[20].

Peintre — quelque peu oubliée — spécialisée dans les compositions florales, Alexandre Dumas fils, dont elle a été la maîtresse[21] a dit d’elle : « C'est elle qui a créé le plus de roses après Dieu. » On la surnommait après Robert de Montesquiou « l'impératrice des roses[22].» Elle exposait en particulier à la galerie Georges Petit[23] ou chez Georges Beugniet.

Elle est nommée chevalier de la Légion d'honneur en 1906[24]. Ses insignes lui furent remis par Léon Bonnat.

Albert Besnard exécuta son portrait, précédé d'une esquisse à l'eau-forte[25].

Une trentaine de ses œuvres — pastels, huiles et aquarelles — ont été exposées, en avril- au musée Marmottan-Monet à Paris, dans le cadre d’une exposition consacrée aux femmes peintres au temps de Marcel Proust. Le musée de Dieppe ainsi que ceux de Mulhouse et de Toulouse possèdent quelques-unes de ses œuvres, et le musée du Louvre conserve l'aquarelle Valet de chambre portant une lettre et un Bouquet de l'ancienne collection Le Masle.

Sa fille, Suzanne Lemaire dite Suzette, également peintre, vendra le petit hôtel particulier de sa mère à sa mort, et s'installera au château de Réveillon[26].

Œuvre

Peinture

  • Dieppe, musée de Dieppe : Le Char des fées, vers 1892, huile sur toile. Ce tableau de grand format est exposé la première fois au Salon de 1892, où il rencontre un fort succès. Il est ensuite exposé au Woman's Building Fine Arts Palace à Chicago, lors de l'Exposition universelle en 1893 et à Paris au musée Marmottan Monet en 2010. Elle en fait don au compositeur de musique Camille Saint-Saëns qui le lèguera à la Ville de Dieppe en 1897.

Ouvrage illustré

Notes et références

Annexes

Bibliographie

  • Dominique (alias Marcel Proust), « Le salon de Mme Madeleine Lemaire », Le Figaro, .
  • André Germain, Les Clés de Proust, Paris, Éditions Sun, .
  • Bernard Grassin-Champernaud, Femmes peintres et salons au temps de Proust, de Madeleine Lemaire à Berthe Morisot, Paris, Éd. Hazan, 2010 (ISBN 2-7541-0454-2). — Catalogue de l'exposition du musée Marmottan Monet.
  • Henri Raczymow, Le Paris retrouvé de Marcel Proust, Paris, Parigramme, 2005, pp. 102-107.
  • (en) Dictionnaire Bénézit, , 20608 p. (ISBN 978-0-19-977378-7 et 9780199899913, lire en ligne).
  • J. P. A. Akoun, Akoun CV : XIX : XX Répertoire biographique d'artistes de tous pays des XIXe et XXe siècles, , 1481 p. (ISBN 978-2-85917-429-3, lire en ligne), p. 847.
  • Yves Uro, Madeleine Lemaire, une amie de Marcel Proust, Paris, L'Harmattan, 2015 (ISBN 978-2-343-05989-1).
  • Michaël Vottero, Adrien Goetz, Bernard Grassin Champernaud, Louis-Antoine Prat et Jérôme Merceron (préf. Jacques Taddei), Femmes peintres et salons au temps de Proust : de Madeleine Lemaire à Berthe Morisot, Paris, Éditions Hazan, , 143 p. (ISBN 978-2-7541-0454-8), Le salon de Madeleine Lemaire, p. 58-89.
  • Michaël Vottero, « Du Muséum à l’université des arts : l’enseignement de Madeleine Lemaire (1845-1928) », dans Marion Lagrange et Adriana Sotropa (dir.), Élèves & maîtresses. Apprendre et transmettre l’art (1849-1928), Bordeaux, Presses universitaires de Bordeaux, (ISBN 979-10-300-0980-4, EAN 9791030009804).

Articles connexes

Liens externes

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