Filiation des abbayes cisterciennes

Système d'organisation hiérarchique des différentes branches cisterciennes.
Exemple d'arbre de filiation des abbayes, dessiné en 1776 et ne reprenant que les abbayes masculines situées en France.

La filiation des abbayes cisterciennes est la traduction concrète du principe d'autonomie et d'interrelation des divers établissements cisterciens entre eux. Mise en place par Étienne Harding à travers la Carta Caritatis au début du XIIe siècle, cette filiation a de nombreuses implications pratiques. Après la quasi-disparition de l'ordre au moment de la Révolution française et des guerres napoléoniennes, le principe est repris aussi bien dans l'ordre de la commune observance que dans celui de la stricte observance ou chez les bernardines d'Esquermes.

Principes et histoire

L'abbaye de Cîteaux, fondée en 1098 par Robert de Molesme et ses compagnons, attire de nombreux postulants désireux de suivre la règle cistercienne. À partir des années 1110, les premières fondations se créent. Dans les années 1120, les nouvelles fondations cisterciennes, intégrés dans des établissements géographiquement distants, reçoivent des formations propres à la maison qui les accueille. Pour favoriser la cohésion, éviter les discordes et fonder des relations organiques entre les monastères, dès 1114, Étienne Harding, abbé de Cîteaux rédige une Carta Caritatis, Charte d'unanimité et de charité[1]. Cette charte, document juridique, « règle le contrôle et la continuité de l'administration de chaque maison, […] définit les rapports des maisons entre elles et assure l'unité de l'ordre »[2]. Elle est complétée jusqu'en 1119, puis, au vu de nouvelles difficultés, remaniée vers 1170 pour donner naissance à la Charte de charité postérieure.

Par son esprit, elle se détache du modèle clunisien de la familia hiérarchisée en offrant une large autonomie à chaque monastère. Cîteaux reste l'autorité spirituelle gardienne de « l'observance de la sainte règle » établie au Nouveau Monastère. Chaque monastère ayant fondé une abbaye-fille a une relative préséance sur celui-ci, notamment en ce qui concerne les prises de décision au Chapitre Général. Pour ce qui est des abbayes « indépendantes » les unes par rapport aux autres, c'était la date de fondation qui primait. Aussi la liste complète (tabulæ abbatiarum) des abbayes était-elle entreposée et conservée avec soin à Cîteaux, ainsi, au moins par fragments, que dans d'autres abbayes[3].

Chaque monastère, selon le principe de charité, doit secours aux fondations les plus démunies, les abbayes mères assurant le contrôle et l'élection des abbés au sein des abbayes filles. L'abbé de Cîteaux garde, par ses conseils et dans ses visites, une autorité supérieure. Chaque abbé doit se rendre chaque année à Cîteaux pour le Chapitre général, organe suprême de gouvernement et de justice, autour de la fête de la Sainte Croix (14 septembre), à la suite desquels des statuts étaient promulgués. Cette procédure n'est pas entièrement originale puisqu'elle remonte aussi aux origines de l'ordre de Vallombreuse, mais l'inspiration vient évidemment de la convention entre Molesme et Aulps signée en 1097, sous l'abbatiat de Robert. Depuis la fin du XIIe siècle, le Chapitre est assisté par un comité de définiteurs nommés par l'abbé de Cîteaux, le Définitoire. Les cisterciens acceptent cependant le soutien et le contrôle de l'évêque du lieu en cas de conflit au sein de l'ordre. Ainsi, dès 1120, sur le plan juridique et normatif, l'essentiel de ce qu'est l'ordre repose sur des principes solides et cohérents.

Les dates indiquées sont celles d'un établissement cistercien. Les abbayes cisterciennes ou trappistes aujourd'hui actives sont indiquées en gras.

Jusqu'à la Révolution française

Les abbayes primaires

Les quatre premières abbayes-filles de Cîteaux sont nommées abbayes primaires. Par extension, ce nom peut être donné également à l'abbaye de Cîteaux elle-même. En 1149, le bienheureux Serlon, troisième abbé de Savigny, rattache l'ensemble de cette nouvelle congrégation à l'ordre de Citeaux dont elle devient la 5° fille.

Enfin, le cas particulier des abbayes féminines donne une prééminence à l'abbaye de Tart, sans que celle-ci acquière des prérogatives semblables à celles des quatre abbayes primaires masculines.

Filiation détaillée de la lignée de Cîteaux

Filiation détaillée de la lignée de La Ferté

Filiation détaillée de la lignée de Pontigny

Filiation détaillée de la lignée de Clairvaux

Filiation détaillée de la lignée de Morimond

Filiation des abbayes savigniennes

Sous saint Geoffroy († 1139), successeur saint Vital à la tête de l'abbaye, l'influence de Savigny, fondée en 1112, s’accroit rapidement et de nombreuses abbayes-filles apparaissent tant sur le continent que sur les îles britanniques. En 1149, le bienheureux Serlon, troisième abbé de Savigny, rattache l'ensemble de cette nouvelle congrégation à l'ordre de Citeaux dont elle devient la 5° fille, apportant à l'occasion la protection du roi Étienne d'Angleterre. Cette filiation est à l'origine de l'ordre de la Trappe.

Filiation des abbayes cisterciennes féminines

La filiation des abbayes féminines de l'ordre est beaucoup moins connue. Leopold Janauschek ne les recense pas ni, a fortiori, ne leur donne de numéro d'ordre.

Les abbayes féminines, jusqu'à la Révolution, ont une filiation hybride. Il existe d'une part la filiation à Tart, plus secondairement et localement celle à las Huelgas de Burgos, d'autre part des filiations mêlées à celles des abbayes masculines. La première s'explique par le refus d'Étienne Harding de soumettre les femmes à une règle aussi rigoureuse que celle des hommes. La filiation de Tart présente donc une règle cistercienne assouplie. D'autre part, lors de la création par des hommes d'une abbaye dans une région, il arrive fréquemment que des femmes de la famille de ceux-ci (mère, sœurs, voire femme) prennent également le voile dans une fondation située à peu de distance, et qui s'affilie avec le nouveau monastère cistercien[7],[8]. On relève à la fin du XIVe siècle la dispartion d'abbayes qui, souvent pour des raisons de sécurité, rejoignent un monastère masculin : ainsi Belfays devient une grange de Morimond, Vauxbons rejoint Auberive et Montharlot Champlite. Pour les mêmes raisions de sécurité, mais aussi pour une nécessaire reprise en mains, deux siècles plus tard Corcelles et Colonges sont accueillies par leurs sœurs d'Ounans, elles-mêmes déjà réfugiées dans les murs de Dôle ; et en 1623 Tart émigre à Dijon où les moniales qui ont accepté le déplacement adoptent rapidement la réforme de Rumilly.

Par ailleurs, la filiation des abbayes féminines est difficile à établir, car, si c'est bien une abbaye féminine qui en fonde une autre, en revanche, dans la gestion quotidienne, une disposition de la règle cistercienne interdit à la supérieure d'une abbaye de visiter ses filiales ; c'est donc le monastère cistercien masculin le plus proche, ou le plus apte, qui devient « père » immédiat de la nouvelle abbaye cistercienne. De surcroît, cette affiliation d'un monastère féminin à un monastère masculin est matérialisée aussi symboliquement que concrètement par le paiement d'un cens annuel. Par exemple, les moniales de l'abbaye de Bussières-les-Nonains, maison fondée par l'Éclache en 1182, dépendaient des cisterciens de Noirlac et leur payaient une livre d'encens annuelle[9]. Cette interdiction ne remonte pas aux premiers temps du cistercianisme, mais s'impose à la fin du XIIIe ou au début du XIVe siècle. On peut encore dater quatre « chapitres généraux » spécifiques à la filiation de Tart entre 1268 et 1302, preuve que cette filiation était une réalité. Les chapitres, en revanche, ne constituaient pas comme pour les hommes un espace de prise de décision, mais un espace d'information de ce qu'y s’était dit au chapitre général de Cîteaux (et donc, des abbés masculins), ce qui explique le peu d'enthousiasme des abbesses à s'y rendre[10].

Filiation indéterminée :

Filiation des bernardines réformées

Après la Révolution française

Les abbayes cisterciennes et trappistes gardent ce même principe de filiation des abbayes. Mais, à la différence de ce qui est fait avant la Réolution, les abbayes féminines et masculines sont certes numérotées à part, mais n'ont pas deux filiations distinctes.

Filiation détaillée des abbayes cisterciennes

Les abbayes cisterciennes de la commune observance sont regroupées à travers diverses congrégations, chacune ayant à sa tête une abbaye-mère.

Congrégation Saint-Bernard d'Italie

Congrégation de Zirc

Voir Congrégation de Zirc (de).

Congrégation de Mehrerau

Congrégation de Mehrerau

Congrégation d'Anagni

Congrégation d'Anagni (de)

  • Abbaye d'Anagni

Congrégation de Port-Royal

Congrégation de Port-Royal

Congrégation cistercienne vietnamienne

La Congrégation cistercienne vietnamienne (vi) rattachée à l'ordre cistercien de la Stricte Observance compte douze abbayes, toutes au Viêt Nam sauf la dernière située aux États-Unis :

  • Phước sơn (1918-actuellement)
    • Châu Sơn Nho Quan (vi) (1936-actuellement)
    • Châu Sơn Đơn Dương (vi) (1936-actuellement)
    • Tâm Phước Lý (1950-actuellement)
    • Châu Thuỷ (1971-actuellement)
    • Vĩnh Phước (1972-actuellement)
    • Thiên Phước (1975-actuellement)
    • Phước Vĩnh (1975-actuellement)
    • Phước Hải (1976-actuellement)
    • Fatima (1978-actuellement)
    • An Phước (1978-actuellement)
    • Phước Thiên (1988-actuellement)
    • Ava (2019-actuellement)

Cisterciennes bernardines d'Esquermes

Les cisterciennes bernardines d'Esquermes dont la maison mère est située à Saint-André-lez-Lille, dans le Nord de la France, compte 7 monastères :

Congrégation de l'Immaculée Conception

La Congrégation de l'Immaculée Conception, dont le siège est à Lérins, compte sept monastères :

Filiation détaillée des abbayes trappistes

Références

Notes

Références

Voir aussi

Bibliographie

  • [Leopold Janauschek 1877] (la) Leopold Janauschek, Originum Cisterciensium : in quo, praemissis congregationum domiciliis adjectisque tabulis chronologico-genealogicis, veterum abbatiarum a monachis habitatarum fundationes ad fidem antiquissimorum fontium primus descripsit, t. I, Vienne, , 491 p. (lire en ligne)
  • [Marcel Pacaut 1993] Marcel Pacaut, Les moines blancs : histoire de l'ordre de Cîteaux, Paris, Fayard, , 430 p. (ISBN 978-2-213-02925-2, OCLC 410549320)
  • [Bernard Peugniez 2012] Bernard Peugniez, Le guide routier de l'Europe cistercienne : esprit des lieux, patrimoine, hôtellerie, Strasbourg, Éditions du Signe, , 1155 p. (ISBN 9782746826243)
  • [Alexis Grélois 2011] Alexis Grélois, « Abbé-père et abbesse-mère : Noirlac, l'Éclache et leur fondation de Bussière (vers 1188-1238) », Cîteaux commentarii cistercienses, Abbaye de Cîteaux, vol. 62, nos 1-4,‎ , p. 141-186 (ISSN 0009-7497, présentation en ligne, lire en ligne)
  • [Alexis Grélois 2013] Alexis Grélois, « Au-delà des catalogues : pour une étude à frais nouveau de l'expansion cistercienne dans la France de l'Ouest », Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, nos 120-3,‎ , p. 154-169 (ISSN 0399-0826, résumé, lire en ligne)

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