Libertarianisme

doctrine politique
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Le libertarianisme, aussi appelé libertarisme, est une idéologie et philosophie politique développée aux États-Unis autour d'un « groupe de théories qui donnent une priorité stricte à la liberté et aux droits naturels, mettant l'accent sur la liberté de choix, l'individualisme et l'association volontaire sur d'autres valeurs telles que l'autorité, la tradition et l'égalité »[1].

Le drapeau de Gadsden, symbole des libertariens. Le slogan « Don't tread on me » signifie « Ne me marche(z) pas dessus ». Le serpent à sonnette est un animal inoffensif tant qu'il n'est pas agressé.
Javier Milei, président de la Nation argentine et chef du Parti libertarien argentin.
Manifestation du Tea Party, un mouvement libertarien américain, en avril 2009 à Dallas.

Les libertariens ont en commun de penser que l'État est une institution coercitive, illégitime, voire — selon certains — inutile ; et de valoriser la liberté individuelle et d'association volontaire[2]. Ils veulent s'appuyer sur un libéralisme économique, s'exerçant dans le cadre d'un capitalisme dérégulé, et un État minimal (minarchisme) ou une absence d'État (anarcho-capitalisme). Selon les libertariens, le libre marché s'autorégulerait et suffirait pour efficacement allouer les ressources et assurer la croissance économique. Le but étant de parvenir à une société qui respecterait au maximum, selon eux, la liberté individuelle[3] et plus particulièrement la propriété privée[4].

C'est l'idéologie qui sous-tend la création du Parti libertarien dans les années 1970 à la suite des publications de Robert Nozick qui prônent alors l'adoption du minarchisme en remplacement de l'anarcho-capitalisme originel du mouvement. Le libertarianisme repose sur une émancipation qui s'opposerait à l'assujettissement, d'où découlent une philosophie et une organisation de la vie en société permettant à chacun de jouir d'un maximum de liberté. Les libertariens cherchent à maximiser l'autonomie et la liberté politique, et à minimiser l'empiétement de l'État sur les violations des libertés individuelles, mettant l'accent sur l'état de droit, le pluralisme, le cosmopolitisme, la coopération, les droits civils et politiques, la liberté d'expression, la liberté de circulation et l'individualisme[5]. Les libertariens rejettent l'autoritarisme, l'étatisme.

En 2023, le libertarien Javier Milei, élu président de l'Argentine, se présente comme le « premier président libertarien de l'Histoire »[6].

Étymologie, sémantique

Le mot « libertarien » est l'adaptation en français de l'anglais «libertarian », lui-même traduction anglaise du français « libertaire »[note 1].

Aux origines: le mot "libertaire" traduit dans la langue anglaise comme libertarian

Le terme « libertaire » a été créé par Joseph Déjacque en 1857 pour contester les idées de Proudhon, notamment sur la misogynie et le conservatisme.[9] Déjacque, un militant anarchiste, voulait un terme qui incarne une vision de société égalitaire et sans autorité, utilisant "libertaire" pour contrer le terme "libéral". Il l'a également utilisé comme titre pour son journal à New York entre 1858 et 1861.[10]

Le terme a été adopté par les socialistes anti-autoritaires pour désigner l'anarchisme à la fin du XIXe siècle.[10]

Les termes « anarchiste » et « libertaire » ont été utilisés de manière interchangeable, comme lors de la Révolution sociale espagnole de 1936 et la guerre d'Espagne, où la militante María Silva Cruz était surnommée María la Libertaire.[11],[12]

Le mot est rendu en anglais par libertarian et est à l'époque peu utilisé dans cette langue en comparaison d'anarchism.[13]

Changement sémantique du terme libertarian en anglais

Le mot liberal aux États-Unis en étant venu à désigner les progressistes favorables à l'intervention de l'État dans l'économie, des libéraux américains ont repris à leur compte le mot libertarian, se faisant quant à lui le promoteur d'un marché sans entrave au nom de la liberté individuelle.

Ainsi, toujours en anglais, le mot libertarianism est devenu un terme se réfèrant tantôt au libertarianisme, tantôt à l'anarchisme[14],[10],[15],[16] , que l'anglais distingue en parlant de right-wing libertarian et left-wing libertarianism.[note 2] Ce libertarianisme de droite est devenu la forme la plus courante du libertarianisme aux États-Unis depuis la fin du 20e siècle[17]. Ce changement sémantique est par ailleurs considéré comme une victoire pour les libertarien moderne et une défaite pour les anarchistes.[11],[18],[19],[20],[21],[12]

Puis francisation du terme libertarian

La francisation du terme en « libertarien » apparaît pour la première fois, en 1978, sous la plume de l'économiste Henri Lepage. Ce dernier voulant distinguer nominativement son courant de pensée du socialisme libertaire[22], un courant de l'anarchisme et n'a pas voulu risquer l'amalgame avec les libertaires, et a donc préféré utiliser « libertarien »[23]. Les libertarians francophones du Québec ont repris le terme « libertarien », phonétiquement proche de l'américain libertarian.

En France, certains libertariens considèrent l'usage du terme comme un anglicisme et une erreur, car dans ce pays, le terme « libéral » ne prête pas à confusion, même s'il a pris un sens plus large. Selon eux, ceux qui s'en réclament défendent bien le libre-échange et la libre entreprise, et ceux qui s'y opposent le font sur cette base. Ils relèvent notamment la tradition de libéraux comme Frédéric Bastiat dont ils se réclament. Ils préfèrent donc se dire tout simplement libéraux.[réf. souhaitée]

Histoire

Le libertarianisme est né aux États-Unis, au milieu du XXe siècle, des œuvres d'écrivains libéraux européens tels que John Locke, Friedrich Hayek et Ludwig von Mises[24],[25]. Il est communément considéré être une continuation ou une radicalisation du libéralisme classique[26],[27].

Les plus importants des premiers théoriciens du libertarianisme seront Murray Rothbard, promoteur de l'anarcho-capitalisme et Robert Nozick qui développera le minarchisme[28],[29],[30].

Ayn Rand en 1943.

Précurseurs

En politique, le libertarianisme s'inspire notamment d'auteurs du XIXe siècle comme Wilhelm von Humboldt (Essai sur les limites de l'action de l'État), Herbert Spencer [réf. souhaitée], Lysander Spooner [réf. souhaitée] et Gustave de Molinari[31].

En économie, il s'inspire notamment d'idées exprimées au XVIIIe siècle par les physiocrates, notamment Vincent de Gournay et Turgot, et développées entre autres par Condillac (Le commerce et le gouvernement considérés relativement l'un l'autre) et Jean-Baptiste Say dans son Traité d'économie politique. Il s'inspire aussi d'idées développées par l'école autrichienne d'économie, dont les auteurs principaux sont Carl Menger, Ludwig von Mises, Friedrich Hayek, et Murray Rothbard.

Selon David Boaz, en 1943, trois femmes « ont publié des livres dont on pourrait dire qu'elles ont donné naissance au mouvement libertarien moderne »[32]. Le Dieu de la machine de Isabel Paterson, La Découverte de la liberté de Rose Wilder Lane et Ayn Rand 's The Fountainhead promouvaient chacun l'individualisme et le capitalisme. Aucune des trois n'a utilisé le terme libertarisme pour décrire ses convictions et Rand a spécifiquement rejeté cette étiquette, critiquant le mouvement libertaire américain naissant en le qualifiant de « hippies de droite »[33]. Rand a accusé les libertariens de plagier des idées liées à sa propre philosophie de l'objectivisme et d'en attaquer pourtant vicieusement d'autres aspects[33].

Différentes personnalités ont aujourd'hui ce même rapport au libertarianisme comme Jimmy Wales, cofondateur de Wikipédia, qui refuse l'étiquette de libertarien et se réclame objectiviste selon la conception d'Ayn Rand[34].

Robert Nozick développa le minarchisme.

Stratégie des think tanks

Une des spécificités de ce mouvement est de s'être développé en s'appuyant sur un réseau croissant et organisé de think tanks, avec comme point de départ la création de la Foundation for Economic Education par Leonard Read, à New York, en 1946.

Ensuite, selon les historiens Jenny Andersson et Niklas Olsen (2023), « dans les décennies suivantes, le libertarianisme s'est transformé en un mouvement clandestin de périodiques, d'organisations et de personnalités hautes en couleur, qui avaient peu d'influence apparente sur la société en tant que tels, mais se considéraient comme une minorité assiégée agissant comme une avant-garde des idées capitalistes radicales »[35]. Le mouvement s'est ensuite répandu dans le monde, en Europe et en Australie principalement via une constellation de think-tanks coordonnés par le « réseau Atlas » (Atlas Network) créé en 1981 par le Britannique Antony Fisher, financièrement soutenu par des milliardaires américain comme les frères Koch et soutenu par la Heritage Foundation, l'Institute for Economic Affairs du Royaume-Uni ou encore l'Institut Koch selon Gamble (2013)[36]. Le réseau Atlas revendique aujourd'hui 589 think tanks ou institutions partenaires dans 103 pays, et il fait partie des lobbies présents à Bruxelles, soutenant par exemple le “Forum européen de la Liberté”. Il promeut l'« alliance entre le libertarianisme économique (anti-régulation, anti-climat, anti-fiscalité) et l'ultraconservatisme sociétal (anti-avortement, anti-minorités, anti-migrants) ». Via l'ECIPE et d'autres think tanks, il influence le débat public et les politiques européennes, promouvant le libre-échange et s'opposant aux réglementations, en liens étroits avec diverses multinationales (selon l'Observatoire des multinationales)[37]. En 2023, le réseau Atlas Network revendiquait 589 think tanks et partenaires, dans 103 pays, avec un budget de 28 millions de dollars[34].

En France, l'un des think tanks affiliés à l’Atlas Network devenus influents est l’Ifrap (Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques), dédié selon l'observatoire des multinationales à une « droitisation des esprits »[37], particulièrement visible dans les médias français[38].

Genèse

Aux États-Unis et au Royaume-Uni

Selon le libertarien norvégien Nordbakken, le « principe libertarien » a pu connaitre un « décollage » international, grâce notamment à un « soutien financier étonnant »[39],[35].

En 1974, il acquiert une certaine reconnaissance dans le monde universitaire, notamment après la publication de Anarchie, État et utopie, de Robert Nozick qui critiquait la Théorie de la justice de John Rawls[40].

Au début du XXe siècle, le parti libéral britannique, au pouvoir, pratique des politiques de plus en plus étatistes. L'évolution se poursuivit dans les années 1920, au cours desquelles l'économiste John Maynard Keynes redéfinit un nouveau libéralisme. Dans les années 1950, à la suite de la répression politique opérée par le maccarthysme, les socialistes américains, dans la tradition de la social-démocratie, se sont massivement affirmés « liberals », reprenant la tradition keynésienne[41].

Diagramme de Nolan.

David Nolan, fondateur du parti libertarien américain parti encore minoritaire mais qui aurait 652 261 membres[réf. nécessaire], a créé un diagramme pour démontrer sa doctrine, diagramme largement critiqué par les non-libertariens[réf. nécessaire] car ne montrant, selon eux, que les thèmes que défendent les libertariens (libéralisme économique et libertés individuelles au sens libéral), sans prendre en compte les idées défendues par les autres courants politiques.

Le parti libertarien américain est encore minoritaire mais en progression. Selon la commission électorale fédérale (FEC) le parti libertarien a obtenu 1,18% des voix, via 1 865 535 votes d'électeurs en 2020 (contre 1 275 971 en 2012)[42],[43].

Le libertarianisme de droite soutient l'idée que tout peuple, mais aussi toute personne a le droit de s’armer (y compris avec des armes d’assaut)[44] et d'utiliser ses armes à feux (et autres) pour l’autodéfense, notamment pour ceux qui sont physiquement plus faibles[45].

Libertarianisme moderne

Dans une interview accordée au magazine Reason en 1975, le gouverneur de Californie Ronald Reagan a fait appel aux libertariens lorsqu'il a déclaré : « croire que le cœur et l'âme mêmes du conservatisme sont le libertarianisme »[46]. Le républicain libertarien Ron Paul a ainsi soutenu la Campagne présidentielle de Reagan en 1980, étant même l'un des premiers élus du pays à soutenir sa campagne[47] et a activement fait campagne pour Reagan en 1976 et 1980[48]. Cependant, Paul a rapidement été déçu par la politique de l'administration Reagan après l'élection de Reagan en 1980 et s'est rappelé plus tard avoir été le seul républicain à voter contre les propositions budgétaires de Reagan en 1981[49],[50]. Dans les années 1980, des libertaires tels que Paul et Rothbard[51],[52] ont critiqué le président Reagan, Reaganomics et les politiques de l'administration Reagan pour, entre autres raisons, avoir transformé l'important déficit commercial des États-Unis en dette et car les États-Unis étaient devenue une nation débitrice pour la première fois depuis la Première Guerre mondiale sous l'administration Reagan[53],[54]. Rothbard a soutenu que la présidence de Reagan a été « un désastre pour le libertarisme aux États-Unis »[55] et Paul a décrit Reagan lui-même comme « un échec dramatique »[48].

Aujourd'hui des milliardaires comme Elon Musk, PDG de Tesla et SpaceX[56] ou Jeff Bezos, fondateur et PDG d'Amazon[57] se réclament du libertarianisme.

En Europe du Nord

Le mouvement et l'idéologie du libertarianisme de droite s'est notamment installé dans les pays nordiques (en Suède, au Danemark, en Norvège [et dernièrement en Finlande][58] à partir des années 1980), selon « en réaction à héritage de l'état-providence, de la social-démocratie et du social-libéralisme, d'une manière qui souligne sa nature de contre-idéologie et de protestation »[1],[35]. En particulier, en Norvège, l'idéologie libertaire est devenu influente, à partir de la création à Bergen, par un groupe de jeunes étudiants de l' Ecole norvégienne d'économie et d'administration des affaires d'un groupe dit Bergen Libertarian Society, par la revue Ideer om Frihet (« Idées sur la liberté » dont le 1er éditorial citant Friedman, Hayek, Ludwig von Mises, Murray Rothbard et Israël Kirzner, Nordbakken disait : « (...) il ne suffit pas que nous, individuellement, soyons convaincus que les principes libertariens sont corrects. L'idée doit être diffusée (...). ». Selon Sigmund Knag, l'un des initiateurs de la revue : « personne n'a le droit de me faire faire faire quelque chose que je n'ai pas choisi » ou « ce qui est à moi est à moi ». Plus tard, c'est le parti (Fremskrittspartiet (parti du progrès) qui émerge, militant contre la fiscalité et les dépenses publiques, mais aussi contre l'« immigration non occidentale », alors que (y compris dans ce parti), d'autres libertariens prônaient, eux, une large ouverture des frontières[59]. Ces derniers ont été expulsés du parti en 1994, et le libertarianisme est resté un élément clé de l'idéologie nationale-conservatrice du parti[59].

En France

En France, il existe depuis 1991 une association du nom d'ADEL (Association des étudiants libéraux, puis Association des libertariens), qui représente la tendance anarcho-capitaliste[60][source insuffisante].

Les associations politiques Liberté Chérie[réf. nécessaire] et Alternative libérale, ainsi que le parti politique Parti libéral démocrate[réf. nécessaire] diffusent des analyses libertariennes ou proches du libertarianisme (minarchisme). Ils se distinguent du libéralisme économique traditionnel par leur promotion d'un « libéralisme grand angle » ou « libéralisme authentique ». Ils restent néanmoins des libéraux classiques, au sens où ils considèrent l'État comme un mal nécessaire : disant « Autant d'État que nécessaire, aussi peu que possible », le parti ne prétend pas supprimer l'État mais le réformer. Certaines propositions d'intervention dans le domaine de l'éducation (le chèque éducation) font des partisans d'Alternative libérale des libéraux classiques dans l'ensemble, les libertariens constituant une minorité[réf. nécessaire].

Le a été constitué le premier mouvement politique français à vocation électorale se réclamant officiellement des thèses libertariennes : le Mouvement des libertariens. Il participe à sa première élection lors de l'élection législative partielle du dans la 3e circonscription de Lot-et-Garonne où Stéphane Geyres (président du mouvement à cette époque) rassembla 56 voix, soit 0,17 % des suffrages exprimés[61]. Ce mouvement est relancé en avril 2017 sous le nom « Parti libertarien »[62], nom qu'il porte toujours, après brièvement s'être nommé « Parti Libéral »[63].

D'autres personnalités sont qualifiées de libertarien comme l'homme politique Alain Madelin[64] ou Gaspard Koenig, auteur, fondateur du groupe de réflexion Génération Libre, est parfois qualifié par la presse de libertarien[65],[66], mais lui-même exprime ses différends avec les libertariens français, que ce soit sur le revenu universel[67], ou la place de l'État, Koenig étant pour son maintien[68].

Principes philosophiques

Les libertarismes ont en commun deux points de vue centraux :

Le libertarisme échappe à un positionnement politique classique de par ses thèses qui le situent à la fois à gauche au plan sociétal et des libertés individuelles : liberté d'expression, liberté de circulation, liberté sexuelle, légalisation des stupéfiants, justice réhabilitative... Et à droite au plan des libertés économiques et de la sécurité : respect de la propriété privée, libre-échange, importance de la police, diminution drastique de la fiscalité...

Économiques

Tout bien est susceptible d'être prêté ou transmis par acquisition conventionnelle (vente, échange, troc ou donation), pour cause de décès (testament) ou par prescription acquisitive. L'extra-commercialité, la res communis, la collectivité et les restrictions dans l'intérêt public (telles la servitude publique, l'expropriation pour cause d'utilité publique, la nationalisation) ne sont pas reconnues. L'occupation originaire désigne tout bien sans maître, toute res nullius ou terra nullius (y compris d'une ressource naturelle), qui n'a pas encore de propriétaire ou dont le propriétaire a fait déréliction, peuvent faire l'objet d'une acquisition originaire par simple prise de possession. Par conséquent, des biens-fonds dans l'usage commun par nature (régions impropres à la culture, eaux publiques) sont susceptibles d'occupation. La réparation, en cas de violation du droit de propriété, restitution du bien ou dédommagement (dommages-intérêts).

Sociétaux

Pour les libertariens, l'État détient la fonction régalienne de justice et de protection des individus contre les crimes et délits. Un État minimal doit avoir pour fonction d'assurer la sécurité de ses ressortissants. C'est la théorie défendue par Nozick et Rand.[71] Le libertarianisme repose sur l'idée que chaque être humain possède des libertés et droits fondamentaux. Le libertarianisme veut limiter les obligations sociales imposées par le politique au profit du libre choix de chaque individu. La libre circulation de soi, d'aller et venir est autorisée au même titre que la libre disposition de soi, tant que cela est consenti. Toute personne est pleinement propriétaire d'elle-même. L'avortement, l'euthanasie, la prostitution, la procréation médicalement assistée et la gestation pour autrui est autorisée tant que cela est clairement consenti.

La liberté de circulation et le cosmopolitisme (et donc d'ouverture des frontières) sont deux des nombreux « concepts » de l'idéologie libertarienne ; ce sont selon Anderson[35] et Michael Freeden[72],[73], cependant des concept plutôt périphérique de l'idéologie libertarienne ; ils permettent de lui donner du sens, mais « il est logique qu'il puisse ainsi être sacrifié afin de résoudre des contradictions intrinsèques (Cooper) ou de s'adapter au dogme mis à jour concernant l'universalisme (Slobodian) »[74].

Le libertarianisme repose sur l'émancipation qui s'oppose à l'assujettissement, d'où découlent une philosophie et une organisation de la vie en société permettant à chaque individu de jouir d'un maximum de liberté. Pour les libertariens, la dichotomie entre « libéralisme économique » et « libéralisme politique » est artificielle ; elle permet de définir plus précisément ce qu'est la liberté appliquée à des domaines différents[75]. Au sens large, le libertarianisme prône une société fondée sur la liberté d'expression des individus dans le respect du droit et de la justice, du pluralisme et du libre-échange des idées. La satisfaction et l'expression libre de l'intérêt de chacun permettent une société qui valorise les meilleures adaptations. Elle doit joindre, d'une part, dans le domaine économique, l'initiative privée, la libre concurrence et son corollaire l'économie de marché, et d'autre part, dans le domaine politique, des pouvoirs institutionnels minimalistes et des contre-pouvoirs démocratiques égaux. Elle valorise ainsi le mérite comme fondement de la hiérarchie. Tout cela s'articule avec un État de droit où sont respectées les minorités jusqu'à la plus petite, l'État n'étant que le garant de cette liberté et de ce respect et devant rendre des comptes de son action. Ainsi, cela implique le respect du pluralisme et une adaptation aux évolutions sociétales[76].

Enfin, quelques penseurs libertariens reconnaissent à l'État de nombreuses fonctions telles que la protection de l'environnement, la construction des réseaux de communication, l'enseignement. En effet, ils considèrent que la fourniture de ces biens et services collectifs ne pourrait pas être créée qualitativement sur le marché sans la puissance publique. Dans cette famille, assez proche du libéralisme classique, on trouve notamment Hayek, Buchanan et Milton Friedman[71].

Dans l'architecture et l'urbanisme

Selon Rowland Atkinson et Liam O'Farrell, la pensée libertarienne a aussi suscité des formes urbaines et architecturales émergentes particulières (qu'ils désignent par le terme « libertecture »), supposées mettre en avant les principes de liberté individuelle et marchande sans entrave, mais paradoxalement parfois enfermantes : ce sont des bâtiments, quartiers et infrastructures qui, selon ces auteurs, « réfractent et amplifient les idées qui divisent dans les espaces sociaux et la pensée des résidents et des citoyens. Alors que l'urbanisme néolibéral était considéré comme sapant les villes socialement justes, les idées libertariennes amplifiées par les nouveaux environnements bâtis peuvent présager des conditions urbaines plus atomisées, inégales et insoutenables, empêchant potentiellement l'identification d'alternatives plus justes et de formes démocratiques », associés à des modes de gouvernance urbaine de plus en plus privés notamment développés aux Etats-Unis avec les gated communities sources d'une nouvelle ségrégation sociale par exemple en Californie du sud[77] (l'avocat et chercheur en sciences politiques Evan McKenzie, en 2011, crée le concept de privatopia)[78]. Sept formes urbaines sont décrites : les villes privées, quartiers ou Résidence fermée, certains « espaces portails » (ex ; aéroports/héliports privés ou autres bâtiment/infrastructure facilitant le transport rapide entre certains lieux), les enclaves fiscales (où l'on échappe à l'impôt), les enclaves pionnières (incluant des colonies flottantes[79] ou spatiales, envisagées comme des sociétés autonomes sans contrôle étatique), les espaces infinis (incluant des architectures numériques virtuelles, allant des comptes bancaires offshore aux éléments émergents du métaverse) et les « nécrotectures » (villes mortes, « quartiers zombies »ou espaces résidentiels sous-utilisés ou vides, souvent issus de la spéculation foncière ou d'autres investissements spéculatifs).

Variantes et courants idéologiques

Il existe au sein de la mouvance libertarienne plusieurs tendances. Tous s'accordent sur le principe fondamental de souveraineté individuelle et de refus plus ou moins poussé de l'État régalien et de ses réglementations.

Minarchisme

Le minarchisme est une version libertarienne du libéralisme classique, voulant que les pouvoirs de l'État soient strictement limités à la défense des libertés individuelles[80],[81].

Géolibertarianisme

Le géolibertarianisme, inspiré du georgisme, veut un impôt foncier unique basé sur l'utilisation de la terre[82],[83].

Libertarisme de gauche

Le libertarisme de gauche associe liberté individuelle et gestion égalitaire des ressources naturelles[84]. Ils rejettent la guerre, le militarisme et le nationalisme ; ils forment un courant plus marginale au sein du libertarianisme[85].

Anarcho-capitalisme

L'anarcho-capitalisme remet en cause la notion même d'État, pense que les structures étatiques ne devraient pas exister et que les marchés économiques devraient être totalement libres, tout en préservant un droit absolu de chaque individu à la propriété privée[86].

Paléo-libertarianisme et libertarianisme conservateur

Le paléo-libertarianisme est anarcho-capitaliste économiquement, mais socialement conservateur. Il est proche du libertarianisme conservateur, aussi appelé « libertarianisme de droite ».

Paternalisme libertarien

Bien que la liberté de choix individuel prime théoriquement sur tout, et que les individus seraient toujours les meilleurs juges de ce qui est dans leur intérêt, les libertariens estiment généralement que l'éducation obligatoire est nécessaire ou utile, sous l'autorité des parents. Et certains libertariens admettent aussi que des institutions privées et publiques puissent influencer le choix des gens (individus, familles, groupes...) dans des directions qui favoriseront leur bien-être, pour leur bien[87]. Ils se rapprochent ainsi d'un paternalisme qui, selon Cass Sunstein (économiste behavioriste) et Richard Thaler (juriste), en 2023, devrait éviter les effets aléatoires, arbitraires ou nuisibles de choix individuels insuffisamment éclairés, et être « susceptible de promouvoir le bien-être des gens, convenablement défini », ce paternalisme affirmant orienter les gens pour leur bien tout en considérant que leur liberté de choix sera respectée car l'individu est in fine supposé conserver la liberté de faire son propre choix[87].

Autres courants

Le libertarianisme chrétien (en) est opposé sur certains points au christianisme libertarien (en)[réf. nécessaire]. Le libertarianisme islamique est l'équivalent du christianisme libertarien dans les pays musulmans[88][source insuffisante].

Le féminisme libertarien est représenté par Ayn Rand et Suzanne La Follette[89][source insuffisante].

Le libertarisme vert (en) est une forme de libertarianisme dans laquelle le libre marché produit des résultats bénéfiques (ou inoffensifs) pour l'environnement[réf. nécessaire].

Sociétés libertariennes

Il y a eu au cours de l'histoire quelques projets de mise en pratique des principes libertariens pour organiser une cité.

Par exemple, le projet « La République de Minerve » de fondation d'une micro-nation anti-interventionniste dans l'océan pacifique au sein des îles Tonga[90].

Glenn Beck a créé le projet « Independence » visant à réaliser une ville autonome fonctionnant selon les principes libertariens[90]. Au même moment, le projet « The Citadel » voit le jour et vise à construire une citadelle libertarienne dans les montagnes de l'Idaho[90].

Projet de ville flottante du Seasteading Institute dans laquelle on pourrait vivre selon les principes libertariens.

Créé à l'initiative de Patri Friedman, petit-fils de l'économiste américain Milton Friedman, l'institut Seasteading ambitionne de créer des îles artificielles dans les eaux internationales pour y vivre selon les principes libertariens. L'institut est notamment financé par Peter Thiel, fondateur de PayPal[91].

Organisations notables

  • Organisation membre de l'Alliance internationale des partis libertariens en 2013
  • Organisation membre observatrice de l'Alliance internationale des partis libertariens en 2013
  • Le libertarianisme a une existence politique dans plusieurs pays, principalement de tradition anglo-saxonne :

    Critiques

    Pour Philippe Van Parijs, l'argumentation libertarienne poussée à ses limites conduit à adopter une position « réal-libertarienne », interventionniste (voir aussi Gerald Cohen, du courant du marxisme analytique et qui défend une position libertarienne de gauche), qui remplace la liberté formelle des auteurs libertariens classiques par le principe d'une liberté réelle maximale pour tous. Une des critiques fréquentes accuse le libertarianisme d'être une liberté faussée en particulier par l'argent, ce qui conduit les minarchistes à défendre le concept d'une allocation universelle et à autoriser les interférences de l'État dans des cas exceptionnels (par exemple lorsque des actes rationnellement motivés au niveau individuel conduisent à des irrationalités collectives, limitant la liberté réelle de chacun : l'État pourrait ainsi interdire, par exemple, aux agriculteurs d'utiliser des engrais dont le rejet dans la mer, par la prolifération d'algues, restreindrait la liberté des pêcheurs)[95].

    Les libertariens rejettent cette critique en s'appuyant sur les importants fonds privés des associations caritatives qui financent des œuvres de bienfaisance comme l'éducation et la santé des démunis partout dans le monde, avec comme exemples courants le Fonds mondial pour la nature, la Fondation Rockefeller ou la fondation Bill-et-Melinda-Gates. Les libertariens estiment que le bénévolat privé est réduit d'autant plus qu'augmente la redistribution publique, et réciproquement[96]. Pour le linguiste Noam Chomsky, « la version américaine du “libertarisme” est une aberration – personne ne la prend vraiment au sérieux. Tout le monde sait qu'une société qui fonctionnerait selon les principes libertariens américains s'autodétruirait en quelques secondes. La seule raison pour laquelle certains font mine de la prendre au sérieux, c'est qu'ils peuvent s'en servir comme d'une arme. […] C'est une aberration exclusivement américaine qui n'a rien de très sérieux »[97].

    Notes et références

    Notes

    Références

    Voir aussi

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    Bibliographie

    Articles connexes

    Une catégorie est consacrée à ce sujet : Libertarianisme.

    Liens externes

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