Charles VI (opéra)
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Genre | Opéra |
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Nbre d'actes | 5 actes et 7 tableaux |
Musique | Fromental Halévy |
Livret | Germain et Casimir Delavigne |
Langue originale | Français |
Durée (approx.) | 4 h |
Dates de composition | 1842-1843 |
Création | Académie royale de musique (salle Le Peletier) |
Charles VI est un opéra en cinq actes et sept tableaux de Fromental Halévy, sur un livret de Germain et Casimir Delavigne créé à l'Académie royale de musique (salle Le Peletier) le . Dernier grand succès du compositeur à l'Opéra de Paris, l’œuvre ne s'est pas maintenue au répertoire et on ne compte qu'une production au XXe siècle (à Marseille en 1901) et une seule représentation au XXIe siècle (en 2005 au théâtre impérial de Compiègne).
L’action se passe au début du XVe siècle, à Paris et dans ses alentours.
L’intérieur d’une métairie. Une porte au fond, deux fenêtres et deux portes latérales
Un salon de l’hôtel Saint-Pol.
Une tente devant la maison de Raymond, le père d'Odette.
Une rue de Paris sur laquelle s'élève le perron de l'hôtel Saint-Pol.
La chambre à coucher du roi.
La nuit, sur les rives de la Seine à Paris.
Intérieur de la basilique de Saint-Denis.
L’œuvre est créée à l'Académie royale de musique (salle Le Peletier) le et constitue le « dernier grand succès »[B 1] du compositeur à l'Opéra de Paris, ses créations ultérieures pour « le Grande Boutique » (le Juif errant en 1852 et la Magicienne en 1858) ne parvenant pas à gagner les faveurs du public.
La mise en scène est luxueuse et s'attache à respecter la vérité historique « avec un soin extrême »[B 2]. Le cortège des Anglais au deuxième tableau de l'acte III est décrit par Théophile Gautier de la façon suivante:
« Le spectacle de cette procession est réellement des plus magnifiques, et se fait admirer même après les splendeurs de la Juive. C'est un luxe inimaginable de casques, de cuirasses, d'armures d'acier et d'or, de chevaux, de bannières, de blasons, que l'Opéra seul peut offrir avec cet éclat et cette exactitude. On y voit même des canons de l'époque, composés de barres de fer reliées par des cercles, avec leurs roues pleines et leurs affûts contournés[B 3]. »
Rôle | Tessiture | Distribution de la création (1843) |
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Charles VI | baryton | Paul Barroilhet |
Isabeau de Bavière | soprano | Julie Dorus-Gras |
Odette | contralto | Rosine Stoltz |
Le Dauphin | ténor | Gilbert Duprez |
Le duc de Bedford | baryton | Jean-Baptiste-Bazille Canaple |
Raymond | basse | Nicolas-Prosper Levasseur |
L’homme de la forêt du Mans | baryton | Eugène Massol |
Si la critique célèbre de façon à peu près unanime la beauté des décors et des costumes ainsi que l'interprétation (Paul Barroilhet et Rosine Stoltz sont particulièrement distingués dans les rôles respectifs de Charles VI et d'Odette), l’œuvre en elle-même recueille des avis généralement favorables sans déchaîner l'enthousiasme. Heinrich Heine résume le sentiment général en écrivant que le compositeur et son librettiste « ne sont jamais tombés ni l'un ni l'autre dans le genre tout à fait mauvais, comme il arrive parfois au génie d'une originalité excessive; ils ont toujours produit quelque chose d'agréable, de beau, de respectable, d'académique, de classique »[B 4].
L'hymne patriotique « Guerre aux tyrans ! » devient vite populaire[B 1], mais « les pages les plus appréciées de la partition (...) sont celles de la démence de Charles (...) et du duo avec Odette à l'acte II »[B 2]. Dans le Siècle, H. Lucas salue « les savantes qualités qui ont fait la fortune des précédentes compositions de M. Halévy »[B 5], même si ce dernier « n'a pas droit à des éloges aussi complets que nous aurions voulu pouvoir lui adresser », selon le Corsaire[B 6]. Pour le Ménestrel, « M. Halévy travaille trop vite, ce qui ne s'accorde en aucune façon avec la sobriété généralement constatée de son imagination mélodique. On ne devrait confier des poèmes à M. Halévy que de loin en loin, seul moyen de lui faire amasser ainsi une quantité suffisante de mélodies »[B 7]. Le Constitutionnel est davantage laudateur: s'il reconnaît que les « mille beautés fortes ou délicates (...) se dérobent à la première audition, sous les formes sévères de l’œuvre », elles « se révèlent une à une aux représentations suivantes et achèvent la conquête du public. Il en sera de Charles VI comme de la Juive et de la Reine de Chypre, qui ont gagné de jour en jour leur immense succès »[B 6]. De même, H. Blanchard dans la France musicale reprend l'idée selon laquelle « le talent [du compositeur] est comme ces forêts vierges, vivaces, riches, dans lesquelles il n'est pas facile de pénétrer, mais qui n'en renferment pas moins tous les trésors d'une végétation forte et puissante »[B 8].
Pour A. Arnould dans le Commerce, « la partition de Charles VI (...) est de la belle, grande et sérieuse musique, toujours admirablement écrite et souvent inspirée »[B 9]. Dans le Courrier français, F. Soulié regrette qu' « on ne rencontre nulle part [dans le livret] la passion qui intéresse et émeut. Heureusement que M. Halévy a rempli beaucoup de ces vides par une musique large, pleine et presque toujours originale »[B 10]. Pour le critique de la Quotidienne, « il y a dans chaque acte un ou deux morceaux qui décèlent le grand compositeur »[B 10]. Le Journal des débats politiques et littéraires affirme que « la musique de Charles VI ne le cède pas aux meilleures productions de M. Halévy. On y retrouve d'un bout à l'autre l'art de manier les grandes masses chorales et instrumentales, l'art tout aussi difficile de relever les plus petits détails par de riches et piquantes harmonies, la mélodie puissante, noble, quelquefois bizarre et contournée, qui distinguent l'auteur de la Juive et de l’Éclair »[B 11].
D'autres avis sont plus acerbes. Ainsi, le Journal des artistes estime que « l'opéra en cinq actes de MM. Casimir Delavigne et Halévy est une chose fort ennuyeuse à entendre et très fatigante à voir » et qu'il « restera sur l'affiche tant qu'on ira par curiosité, car on ne peut y aller deux fois »[B 12]. Dans le National, G. Hequet admet qu' « il y a dans la partition quelques morceaux dont le mérite est incontestable (...). Mais, dans un opéra en cinq actes, est-ce assez de ces quelques morceaux? »[B 9].
Rien ne trouve grâce aux yeux du critique de Satan : ni les chanteurs, distribués en dépit du bon sens (le rôle de la « terrible Isabeau » est confié à la « douce et chaste Mme Dorus » alors que la volcanique et passionnée Rosine Stoltz doit incarner « une jeune fille timide et sainte entre toutes »; « la puissante voix de Barroilhet [est] enseveli[e] dans le corps d'un moribond »; quant au « vigoureux » Duprez, on lui confie le rôle « terne, languissant, indécis » du Dauphin qui « n'arrive jamais que pour s'en aller »), ni les costumes (qualifiés de « malheureux », voire de « tout bonnement affreux »), ni la mise en scène (« on a déjà vu tant de fois les mêmes chevaliers sur les mêmes chevaux, les mêmes archers, les mêmes hommes d'armes, les mêmes pages, que les yeux éprouvent le besoin de voir autre chose »); dans le livret, « point de situations dramatiques, rien qui n'émeuve et surprenne, attendrisse ou passionne »; quant à la musique, « l'oreille a-t-elle pu saisir une fraîche mélodie, un air franc, une inspiration musicale nette et limpide, une de ces phrases qui se chantent au fond de l'âme, qui se gravent étincelantes dans la mémoire, que la foule émue s'en va la nuit murmurant et qui donnent à une œuvre le baptême de la popularité? Le souvenir cette fois cherchait et ne trouvait pas »[B 13].
L’œuvre est représentée 61 fois à l'opéra de Paris entre 1843 et 1850 (dans une version révisée à partir du 4 octobre 1847)[B 14]. Une nouvelle production débute le 5 avril 1870 au Théâtre Lyrique avec Rosine Bloch dans le rôle d'Odette, mais l'opéra n'y connaîtra que 22 représentations[B 15].
Charles VI est également représenté en français à Bruxelles (à partir du 2 octobre 1845), La Haye (25 avril 1846), La Nouvelle-Orléans (22 avril 1847), Buenos Aires (4 mai 1854), Batavia (27 avril 1866), Barcelone (29 avril 1871), Mexico (19 janvier 1882) et Marseille (8 avril 1901). Des productions en allemand ont lieu à Hambourg (13 février 1851) et en italien à Milan (16 mars 1876)[B 16].
Il faudra attendre 2005 pour que l’œuvre soit reprise au théâtre impérial de Compiègne pour une unique représentation.
Selon Leich-Galland[B 17], Charles VI constitue une tentative de renouveler, sur la scène de l'opéra, les succès rencontrés par Casimir Delavigne au théâtre avec des pièces patriotiques, célébrant la pérennité du royaume de France. Le choix de Halévy pour composer la musique semblait tout indiqué puisque lui-même est un monarchiste convaincu (à Londres, en 1850, il tiendra à rendre visite à un Louis-Philippe déchu et exilé). Si le « patriotisme pré-barrésien du livret »[B 18] a pu rencontrer l'assentiment des autorités de l'époque, il n'est pas certain qu'il en ait été de même de son « anglophobie forcenée »[B 18] au moment où le gouvernement s'engage sur la voie de l'Entente cordiale (le premier séjour de la reine Victoria en France à l'invitation de Louis-Philippe a lieu en septembre 1843, soit six mois après la création de l'opéra). Il est même possible que cette nouvelle orientation de la diplomatie du pays ait constitué un frein pour remonter trop souvent un opéra où est stigmatisé comme traitre à la patrie le personnage d'Isabeau de Bavière qui cherche à s'entendre avec les Anglais.
Le désir de célébrer la royauté conduit le librettiste à prendre de très grandes libertés avec la vérité historique[B 18], faisant ainsi d'Odette de Champdivers une préfiguration de Jeanne d'Arc et des Parisiens de fervents partisans du futur Charles VII. Il évacue également toute histoire d'amour de son opéra[B 18] et tente, sans en avoir tout à fait les moyens, de lui donner des accents shakespeariens en transformant Charles VI en un « autre roi Lear »[B 2] et en introduisant une scène avec des spectres. Encore ne s'agit-il que d'un « fantastique en trompe l’œil »[B 19] résultant d'une mise en scène échafaudée par la reine Isabeau pour discréditer le Dauphin auprès de son père et faire sombrer définitivement la raison du roi. Néanmoins, « l'apparition dans la forêt du Mans, le duo où Odette de Champdivers distrait le roi en lui apprenant à jouer aux cartes, les scènes de folie sont empreintes d'une émotion vraie »[B 1].
Lors de la seule reprise contemporaine de l’œuvre au théâtre impérial de Compiègne en 2005, les critiques indiquent que cette résurrection « est loin de manquer d'intérêt ». Si « le livret regorge de poncifs », « les personnages s'avèrent plutôt attachants et bien caractérisés » et « l'histoire n'est pas mal ficelée ». « La partition, hâtivement composée, frise souvent le pompiérisme » et semble « interminable », mais on entre « facilement dans cette œuvre inégale, peu originale mais prodigue en bons moments de théâtre comme de musique »[B 20]. D'autres, plus enthousiastes, célèbrent « une œuvre de large dimension (...) témoign[ant] de bout en bout d'une inspiration généreuse et d'une réelle habileté »[B 18].
Fichiers audio | |
Charles VI, « C'est grand pitié » (air de Charles VI à l'acte II) | |
Charles VI, « Guerre aux tyrans » (chant national de Raymond à l'acte I) | |
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