Carte de Cassini

première carte à l'échelle du royaume de France
(Redirigé depuis Carte Cassini)

La carte de Cassini ou carte de l'Académie est la première carte topographique et géométrique établie à l'échelle du royaume de France dans son ensemble. Il serait plus approprié de parler de carte des Cassini, car elle a été dressée par la famille Cassini, principalement César-François Cassini (Cassini III) et son fils Jean-Dominique Cassini (Cassini IV) au XVIIIe siècle.

Carte de Cassini
Extrait de la carte de Cassini : le domaine royal de Versailles.
Typologie
Pays
Couverture géographique

Une innovation toujours actuelle

Première entreprise de cartographie à l'échelle de la France entière, cette carte constitue pour l'époque une véritable innovation et une avancée technique décisive. Elle est la première carte à s'appuyer sur une triangulation géodésique dont l'établissement a pris plus de soixante ans. Quatre générations de Cassini se sont succédé pour réaliser ce travail. La carte ne localise pas précisément les habitations ou les limites des marais et forêts, mais le niveau de précision du réseau routier représenté est tel qu'en superposant des photos satellite orthorectifiées aux feuilles de la carte de la France, on obtient de spectaculaires résultats. L'échelle adoptée est d'une ligne pour cent toises, soit une échelle de 1/86 400 (une toise vaut 864 lignes).

Le travail des Cassini laissa même son empreinte sur le terrain où l'on trouve encore aujourd'hui des toponymes dits « Signal de Cassini », qui révèlent les lieux où se sont effectuées les mesures de l'époque. Ces points de repères correspondent aux sommets des innombrables triangles qui formaient la trame de la carte de Cassini.

De nos jours, les chercheurs consultent fréquemment les feuilles de la carte des Cassini, soit sa forme papier en salle de lecture du département des cartes et plans de la Bibliothèque nationale de France, soit sa forme numérique en ligne (voir Liens externes). Elle intéresse tout particulièrement les archéologues, les architectes, les paysagistes concepteurs, les historiens, les géographes, les généalogistes, les chasseurs de trésors et les écologues qui ont besoin de faire de l'écologie rétrospective ou de comprendre l'histoire du paysage.

Histoire

Carte de France corrigée, présentée à L'Académie en 1682.

On peut considérer que l'aventure de la carte de France des Cassini trouve ses racines sous le règne de Louis XIV, avec la création de l'Académie des sciences, et les grandes ambitions de Colbert concernant la marine française et les côtes de France à défendre d'une part, et l'état d'imprécision de la géographie du pays, d'autre part ; il s'avère en effet que les distances entre localités, par exemple, sont bien souvent estimées en journées de chevauchée, sans mesure réelle des parcours effectués[1].

En 1668, Colbert avise l'Académie des sciences qu'il « désirait que l'on travaillât à faire des Cartes géographiquement de la France plus exactes que celles qui y ont été faites… » ; l'astronome et géodésien Jean Picard effectue alors la première triangulation de Paris à Amiens avec sa méridienne et dresse ainsi les assises de la carte particulière des environs de Paris qu'il va suivre tout au long de sa réalisation par David Vivier[2].

Puis, dans les années 1671-1673, le roi Louis XIV ordonne à l'Académie de « dresser une carte de toute la France avec la plus grande exactitude possible ». Picard et La Hire vont relever astronomiquement latitudes et longitudes des principales villes du littoral[3], travaux qui aboutiront aux contours de la carte de France corrigée (mais non triangulée), présentée à L'Académie en 1682.

La France triangulée

La méridienne de Paris et la carte de France, 1718.

Projet de châssis géographique

Cassini I

En 1681, l'abbé Picard présente à l'Académie « un projet pour faire un châssis géographique pour toute la France… présenté à Monseigneur Colbert. ». Ce châssis doit comporter « une grande traverse » triangulée qui irait de Dunkerque à Perpignan et une autre ligne « qui contournerait le royaume suivant les frontières et les côtes », en liaison avec la première[4].

Sur ce, en 1683, « Sa Majesté ordonne aux Mathématiciens de l'Académie des Sciences de continuer l'entreprise [de Picard, décédé] et de prolonger vers le Septentrion & vers le Midi jusques aux confins du Royaume, une ligne méridienne qui passât par le milieu de l'Observatoire de Paris. ». La méridienne de Paris, allant de Dunkerque à Perpignan, travail de Cassini I et Cassini II, sera terminée en 1718, après de nombreux reports. Ce sera la première ligne du futur châssis ou canevas qui va couvrir la France.

Le premier canevas géodésique

Petit à petit, la France va se couvrir d'un ensemble de lignes schématiques constituées de chaînes de grands triangles de référence.

Premier canevas de grands triangles de référence de la future carte de Cassini, 1744.

Cet ensemble comprend :

  • la méridienne de Paris – de Dunkerque à Perpignan – et deux autres parallèles à la méridienne (petits cercles de la sphère terrestre qui ne sont pas des méridiens) disposées grossièrement de part et d'autre, l'une vers Nantes, l'autre assez indéfinie dans un premier temps, vers Lyon ;
  • cinq lignes perpendiculaires à la méridienne (grands cercles de la sphère terrestre qui ne sont pas des parallèles géographiques - voir figure[N 1]) : la ligne Brest-Strasbourg passant par Paris, puis au nord une ligne à la hauteur d'Amiens, et au sud, trois autres perpendiculaires respectivement au niveau d'Orléans, Lyon et Bayonne.
  • l'ensemble de ces lignes de référence sont enveloppées par la triangulation des côtes et des frontières.
Cassini II

En 1718, la méridienne de Paris est donc terminée par Cassini II, elle sera vérifiée en 1739 par Lacaille et Cassini de Thury (Cassini III)[5]. Après quinze ans d'attente, en 1733, sous l'impulsion du contrôleur général des finances Philibert Orry, le projet de travailler à la description géométrique de la France est mis en œuvre. C'est le véritable point de départ de la future carte des Cassini.

En 1733 et 1734, donc, c'est la perpendiculaire Brest-Paris-Strasbourg qui est triangulée[6], les acteurs principaux en sont Maraldi II, Cassini II et ses fils, et d'autres géographes (Delagrive, François Chevallier, et pour une moindre part Outhier). En 1736, les levés de la parallèle à la méridienne de Nantes, Saint-Malo - Nantes, seront le fait de l'abbé Outhier.

« Les côtes & les frontières méritaient bien un examen particulier, aussi ont-elles été déterminées par une chaîne de triangles non interrompue, espèce de fortification géométrique qui assure de la manière la plus inaltérable l'étendue actuelle de ce royaume »[7].

Triangulation des côtes :

  • 1736-37 : côtes normandes et bretonnes ;
  • 1737 : Poitou et Gascogne ;
  • 1737 : de Saint-Valery à Dunkerque ;
  • 1737-38 : Bayonne - Antibes.

Les frontières terrestres seront triangulées en 1740[8].

Ce canevas initial probablement terminé autour de 1740, mais daté de 1744 sera complété pour donner la célèbre carte de 1744.

La carte des principaux triangles de 1744

La carte de 1744, sans ses marges.
Cassini III

Non datée, son intitulé est Nouvelle carte qui comprend les principaux triangles qui servent de fondement à la Description géométrique de la France. Levée par ordre du Roy par Messrs. Maraldi et Cassini de Thury, de l'Académie royale des Sciences. Son échelle approximative est de 1 : 1 750 000.

C'est la carte officielle qui suit l'article de Cassini de Thury Sur la description géométrique de la France[9].

Elle comporte, comme précédemment, la Méridienne, mais avec trois parallèles et, maintenant, sept perpendiculaires, ce qui forme sur le territoire des pseudo-carrés d'environ 60 000 toises (≈117 km) de côté ; de plus, les côtes et les frontières y sont définies ainsi que leur triangulation. « Il a fallu pour l'exécution de ce projet, former sur le terrain près de 800 triangles [en tout 814 triangles réduits dans le plan horizontal], tous liés les uns aux autres et qui se terminent à 19 [plutôt 17 ou 18] bases qui servent de preuves aux vérifications ». Les instruments et les méthodes employés pour la triangulation sont ceux de l'époque ; on les retrouve sous leur vocable propre (quart de cercle, secteur) et dans l'étude des méridiennes géodésiques. Sur la carte sont aussi localisés un grand nombre de villes, bourgs, châteaux, etc., déterminés géométriquement. Dans les marges sont indiquées les distances à l'Observatoire de Paris de 440 villes, fanaux et montagnes ; plus tard y seront ajoutées latitude et longitude des lieux considérés.

Les axes de référence pour rapporter la position des points géodésiques sont respectivement la méridienne de Paris (axe des y) et sa perpendiculaire menée depuis l'Observatoire de Paris (axe des x). La Projection cartographique est de type cylindrique transverse, non conforme, calculée sur la sphère terrestre[10].

Cette carte sera accompagnée des détails des opérations de triangulation effectuées avec les angles de chaque triangle, la longueur des côtés, le résultat des calculs. Ce travail existe sous différentes formes, dans différents ouvrages ou manuscrits que l'on peut trouver à l'Observatoire de Paris, à la Bibliothèque nationale de France, à l'IGN[11].

Cette triangulation initiale et homogène de la France « exécutée par une main savante » forme ce qu'on peut appeler le réseau géodésique de premier ordre. C'est à partir de ces grands triangles que pourra se poursuivre le détail de la France en complétant les milieux des espaces non triangulés.

Pour le futur, dans un premier temps, Cassini, à travers Grandjean de Fouchy, invite « les évêques, les magistrats, les seigneurs et même les particuliers à achever le détail des endroits qui restent à lever » pour faire de nouvelles cartes particulières, mais – il insiste – en « s'assujettissant à l'échelle et aux positions de la carte générale », comme l'ont déjà fait « les MM. de la Société royale des Sciences de Montpellier pour la carte du Languedoc ou M. l'abbé Outhier pour les plans des diocèses de Bayeux et de Sens[12] ; les plans des forêts du Roi ou les cartes particulières des frontières du royaume, qui ont été levées pour les camps des armées du Roi ».

Dans un deuxième temps, à la fin de son article Sur la description géométrique de le France – édité en 1749 –, Cassini prend le contre-pied de ce qu'il écrit quelques pages avant : « Nous nous réservons de donner, dans la suite, des Cartes particulières de la France, où l'on placera tous les lieux principaux qui sont tant dans l'intérieur que dans les limites du royaume. »

Triangulation complémentaire 1745-1783

Entre les perpendiculaires à la Méridienne, il reste de vastes zones à couvrir de grands triangles à rattacher au réseau de premier ordre. Ces grands espaces seront triangulés par des équipes de deux ingénieurs expérimentés ayant participé à des levés des perpendiculaires précitées. Leurs outils et leurs méthodes sont les mêmes que ceux employés sur le réseau de premier ordre[13].

Dans ces zones, le réseau hydrographique de la Seine — Seine, Marne, Oise, Aube, Yonne — sera couvert, dans cet ordre, de 1747 à 1749[14].

En 1747, Cassini de Thury publie une « carte qui comprend tous les lieux de la France qui ont été déterminés par les opérations géométriques »[15]. La Seine y est triangulée et le réseau tracé en Flandre par Cassini de Thury en 1746-47 — pendant la guerre de succession d'Autriche — y est représenté.

Plan triangulé de 60 000 toises autour de Paris, avant 1751.

Pour le reste, le maillage du pays sera effectué en fonction des cartes que Cassini va entreprendre, à la suite de la décision du Roi du 7 juillet 1747 qui dit à Cassini, dans un contexte précisé plus loin : « Je veux que la carte de mon royaume soit levée…, je vous en charge, prévenez-en M. de Machault, alors contrôleur général »[16].

Le maillage commencera donc au plus tôt en 1748. Cassini s'engage à accompagner les cartes qu'il va alors publier du réseau secondaire les concernant[N 2]. C'est ainsi qu'il donne dans l'Introduction à la seconde feuille occidentale de la carte de la France, levée en 1751, une planche qui « comprend l'étendue de quatre carrés de 60 000 toises… », avec l'explication correspondante « qui représente l'ouvrage de deux ingénieurs »[17].

Ainsi, le maillage du pays sera quasi définitif en 1783, lorsque Cassini de Thury publiera la Description géométrique de la France. À la fin de l'ouvrage, on trouve une carte de France couverte de plus de deux mille triangles (réseau primaire et secondaire)[18]. Le cuivre sur lequel elle est gravée est identique à celui de la carte de 1744, avec le même cartouche et, il en porte même la date, ce qui prête à confusion. Dans l'avertissement inclus dans la carte on peut lire : « Cette carte représente la France traversée par le Méridien de l'Observatoire royal de Paris et par des lignes perpendiculaires et parallèles à ce Méridien, tracées à la distance de 60 000 toises les unes des autres… ». Sur cette carte, on peut toujours voir, en plus des triangles qui définissent la France, la triangulation hors frontières, en Flandre, œuvre de Cassini de Thury, en 1746-47 ; on y trouve aussi, difficilement, les numéros d'ordre de chaque carte individuelle.

La carte générale

La première carte géographique de la France publiée par l'Académie Royale des Sciences en 1747.

En 1747, les informations données par la Carte qui comprend tous les lieux de la France qui ont été déterminés par les opérations géométriques permettent de publier la première carte géographique du pays (sans triangles). Intitulée Carte de France dressée sur les observations de MM. de l'Académie Royale des Sciences, elle est l'œuvre de Philippe Buache de la même Académie.

La France y est représentée dans ses contours avec ses côtes, ses frontières et ses cours d'eau. Les provinces sont citées, leurs limites territoriales sont définies et les principales villes y sont indiquées. Les pays limitrophes y apparaissent avec quelques détails supplémentaires (villes, fleuves…).

Les coordonnées géographiques, longitude par rapport à l'Observatoire et latitude y sont seules définies. L'échelle est donnée en différentes lieues régionales.

Cette carte est probablement la première carte géographique correcte du royaume de France. Elle accompagnera, en supplément, la publication annuelle « grand public » La Connaissance des Temps éditée par la même académie.

D'autres cartes suivront, telles les cartes de Robert de Hesseln en 1786 et la nouvelle carte des départements et districts de Louis Capitaine en 1794[19].

Les cartes individuelles

Une carte Cassini autour des champs de bataille en Flandre.
Graphomètre.

L'entreprise initiale 1748 - 1756

Origine : décision royale

En 1747, Cassini de Thury accompagne Louis XV en Flandre lors de la guerre de Succession d'Autriche. Il est chargé d'établir des cartes locales autour des champs de bataille. Lors de la présentation d'une de ces cartes au Roi, sur site, le , ce dernier lui précise ses exigences : « Je veux que la carte de mon royaume soit levée…, je vous en charge… »[20]. Ce sera le point de départ de l'établissement des cartes individuelles ; Cassini recevra les subsides du Roi pour cette réalisation ; il bénéficiera aussi des dispositions favorables du contrôleur général des finances et de la protection de Trudaine responsable des routes royales du royaume[21].

Levés des cartes

Levé à la planchette ici, avec alidade à pinnules.

L'entreprise nécessite des ingénieurs formés sur le terrain par des « seniors » issus des équipes ayant travaillé sur le maillage du deuxième ordre. Entre 1750 et 1756 leur nombre ira en progressant de 8 à 20. « Chargés du détail, ils étaient placés à la distance de dix mille toises les uns des autres », soit environ 20 km, et balayaient le terrain du nord au sud pendant une campagne qui durait six mois. « Rien ne devait échapper à leurs recherches. »

En campagne, sur le terrain, ces ingénieurs sont munis de planchettes, quarts de cercle, boussole. Le quart de cercle, encombrant, notamment dans les clochers, sera bientôt remplacé par un graphomètre à deux lunettes muni d'une boussole. Gradué en degrés, divisé par transversales, la résolution de l'instrument est de l'ordre de la minute de degré. Dans leurs relevés, ils se doivent de respecter les règles strictes de la triangulation : observer les trois angles des triangles, former des triangles de vérification, effectuer des tours d'horizon (360°). Pour leurs observations, ils s'informent de la toponymie du pays auprès des curés et/ou des syndics[N 3] qui les accompagnent parfois. Au travail de la journée succède celui du cabinet : mise au net de leurs notes et relevés puis ébauche des dessins de la carte du pays visité.

De retour à Paris, ils mettent au net leurs observations, calculent leurs triangles et les distances des objets sélectionnés. Ce travail terminé, ils remettent leurs registres à Cassini de Thury – aidé de son père – pour approbation. En 1757, ces ingénieurs sont rémunérés à hauteur de 4 500 livres la feuille. Quatre contrôleurs sont, eux, employés à « vérifier les calculs et à construire les cartes dans la forme où elles devaient être remises au graveur… »[22].

Seules deux cartes particulières seront terminées en 1756, celle de Paris et celle de Beauvais.

Détail de la feuille n° 2 de Beauvais : autour des villes de Creil, Senlis et Chantilly, 1756.

Privatisation 1756 - 1793

Cassini III

En 1756, huit ans après l'origine de l'entreprise, Cassini de Thury présente donc au roi les deux premières cartes particulières du royaume. Le roi en est satisfait, mais devant les difficultés du royaume dont la guerre de Sept Ans, des coupes claires sont effectuées dans les subventions royales. La carte de France n'est plus subventionnée. Cassini de Thury fonde alors une société de cinquante associés afin de rassembler les fonds nécessaires pour finir les levés de la carte. Des personnalités de l'époque y participent. La plus célèbre d'entre elles est la marquise de Pompadour.

Cassini IV

Plus tard, l'association des cinquante sera remplacée par des souscripteurs qui seront au nombre de 203 en 1780 ; les provinces et les généralités participeront elles aussi.

La société fut globalement bien gérée : ses comptes étaient en équilibre avec des actionnaires participant à hauteur de plus de 1 600 livres par an et par personne ; les cartes individuelles étaient vendues au prix de quatre livres, prix supérieur à ce qui se pratiquait à l'époque chez les concurrents.

Pendant cette période, les cartes sont toujours supervisées par l'Académie des Sciences et restent en dépôt à l'Observatoire de Paris.

Mort en 1784, César-François Cassini ne verra jamais l'achèvement de la carte de France. Son fils, Jean-Dominique, dit Cassini IV finira les travaux de son père ; en 1790, quinze cartes individuelles sont encore à publier[24] (voir plus loin la liste des feuilles avec leur année de publication).

Nationalisation 1793 - 1818

En 1793, la France est en guerre. La carte de Cassini est une source de renseignements pour la patrie, mais aussi pour l'ennemi. Sur ordre de la Convention, elle sera donc confisquée et transférée de l'Observatoire vers le Dépôt de la Guerre[25] ; « la carte générale de France dite de l'Académie » comporte alors, d'après procès-verbal, 165 feuilles imprimées, 11 planches à la gravure et une planche au stade de dessin. Il reste quatre feuilles, dont les levés sont effectués, à jeter sur le papier[N 4]. Les actionnaires, à l'exception des émigrés, seront indemnisés ; ils recevront 3 000 francs par action[26].

Pendant les 25 ans de cette période, les cartes seront retouchées et complétées par des graveurs supervisés par des ingénieurs géographes militaires. Entre 1803 et 1812, sont effectuées les principales modifications, principalement sur le réseau routier. On adjoint aux cartes une double échelle, l'une en toises et l'autre en mètres. De nouvelles cartes « claires, exactes, gravées avec soin » vont aussi concurrencer la carte de Cassini ; elles formeront « l'Atlas national » qui sera accusé de plagiat par des associés de la carte de France.

On peut grossièrement considérer que l'œuvre des Cassini est terminée en 1818[N 5]. Son établissement aura nécessité cent cinquante ans depuis la décision de Colbert ; pour leur part, les cartes individuelles, œuvre particulière de Cassini III et Cassini IV, auront demandé soixante-dix ans de travaux pour décrire la France dans ses moindres détails.

Les cartes

Liste

155 cartes individuelles sont prévues à l'origine ; en fait, 180 seront publiées. La liste ci-dessous correspond en priorité aux numéros des 181 feuilles levées avec leur date de publication dans l'édition d'origine[27]. Gravées sur cuivre (pour les premières par l'ingénieur géographe du Roi à Paris, Joseph-Dominique Seguin) puis tirées en noir et blanc, de nombreuses cartes ont été aquarellées à la main, ou ont été découpées en 21 rectangles recollés sur une toile de jute de façon à pouvoir les replier et les transporter aisément. Selon la légende, la reine Marie-Antoinette les trouva si belles qu’elle demanda qu'elles soient réalisées en couleur et en commanda un jeu personnel pour pouvoir le transporter en carrosse[28].

Liste des feuilles avec leur année de levé et de publication
Numéro de la feuilleDénominationAnnée des levés[N 6]Année de publication[N 7]N° de publication
1Paris1749-175517561
2Beauvais175117562
3Amiens1757 av. (avant)1757 ca (autour de)11
4Abbeville - Arras1757175712
5Saint-Omer1756-1757175819
6Dunkerque17571758 ca14
7Fontainebleau - Estampes (Étampes)1750-17581756-1757 ?3
8Orléans1751-17551757 ?10
9Gien1758-17591759 ?34
10Bourges1754-17591760 ?48
11La Châtre1758-17671767-176883
12Évaux-les-Bains1759-17601760-176256
13Aubusson1760-17621762-176366
14Mauriac1773-17801789-1815 ?158
15Aurillac1766-17751782-1783151
16Rodez1766-17801781144
17Albi1769-17741777-1778113
18Castres1771-17751777111
19Carcassonne1770-17781777115
20Mont-Louis - Mousset1772-17791780-1781139
20 bis ou 177Puyceda (Puigcerda) - Prats-de-Mollo - Fort-des-Bains (Amélie-les-Bains)1776-17791781 et 1815 ?149
21Ambleteuse - Calais - Douvres17571757-175817
22Boulogne1756-1758175816
23Dieppe1757-1759175815
24Forges-les-Eaux - Neufchâtel - (Yvetot)1757175930
25Rouen1766 av.17578
26Évreux - Dreux1750-1751 corr. 17811757 ?7
27Chartres1750-1752 1766-176717579
28Vendôme1753-17591759-176045
29Blois1753-17591759-176047
30Loches1753-17671763-176881
31Le Blanc - Châteauroux - Montmorillon1755-1765 corr. 17771766-176884
32Dorat1768 av.176885
33Limoges1762-17641763-1776126
34Tulle - Arnac - Pompadour1767-17801783154
35Sarlat1768-17821783-1785155
36Cahors1762-17761781150
37Montauban1771-17741776-1777108
38Toulouse1769-17751775-1776106
39Saint-Lizier - Saint-Martory - Pamiers1770-17731776107
40Ax-les-Thermes1771-17781780-1781140
40 bisAndore (Andorre)17771782n.r.
41Lille1752-17581758 ?18
42Cambrai1754-1757 corr. 1759175826
43Laon - Noyon1752-1757 corr. 1758175713
44Soissons1750-1752 corr. 176717575
45Meaux1750-1752 corr. 175817574
46Sens175217576
47Auxerre1758 corr. 17591758 ?24
48Vézelay - Cosne-Cours-sur-Loire1754-1758 corr.1761175935
49Nevers1754-1758175942
50Moulins1756-17611758-176367
51Gannat - Saint-Pourçain1759-17661764-176779
52Clermont1759-17751775-1776110
53Brioude - Issoire1766-1769176989
54Saint-Flour1775-17761779-1780127
55Mende1773-17761779-1780128
56Nant - Millau1774-17761776-1778114
57Lodève1770-17741777-1778112
58Narbonne1769-17731776-1777109
59Perpignan1771-17791779 ?132
59 bis ou 176Bellegarde-sur-Azès (Le Perthus)1771-17791779 ?133
60Le Havre1757 corr.1758175720
61Lisieux - Honfleur1752-1758 corr. 17591758 ?27
62Argentan - Falaise1752-17591761 ?57
63Alençon1755-1763176991
64Le Mans1755-1763176576
65Tours1760-1764176578
66Richelieu - Saumur1756-17631760-176575
67Poitiers1765-17671767-177092
68Charroux1766-17691770-1773104
69Angoulême1766-17681772-1777117
70Périgueux1766-17681773-1779121
71Bergerac1762-17661789-1815 ?163
72Castillonnes - Villeneuve - La Réole1761-17651783159
73Agen1769-17781784 ?160
74Auch1768-17701769-177096
75Tarbes1768-17701770-177198
76Bagnères-de-Luchon - Barèges
Bagnères-de-Bigorre
1772-17781779-1781141
77Rocroi1756-17591759-176040
78Mézières (Charleville-Mézières - Sedan)1755-17591759-176043
79Reims1757-17591758-176039
80Chaalons (Châlons-sur-Marne)1754-1758175725
81Troyes1758 corr. 17601759 ?31
82Tonnerre1752-1758 corr. 17591759 ?33
83Semur - Montbard1752-1758 corr. 1762175829
84Autun1754-1758175932
85Châlons (Chalon-sur-Saône)1757-1759175936
86Mâcon1757-17601759-176154
87Lyon1758-17621760-176153
88Saint-Étienne - Saint-Marcellin1762-17651765-176780
89Le Puy1773-17771781 ?143
90Viviers (Ardèche)1772-17761778-1779123
91Nîmes1772-17761778-1781138
92Montpellier1770-17761776-1778116
93Saint-Vaast-la-Hougue1757-1758175821
94Bayeux - Caen1754-1759176038
95Vire - Avranches1754-17621761-176782
96Mayenne1763-17661767-177290
97Laval1761-17641766-176887
98Angers1763-1769 corr. 17761767-1771100
99Mortagne176-17691772102
100Luçon1765-17691768-177094
101La Rochelle1765-17691768-177197
102Saintes1766-17751771103
103Blaye1767-17751783152
104Bordeaux1762-1763 1774-1775 1778 ?1789-1815 ?164
105Bazas1763-17671789-1815 ?166
106Roquefort - Mont-de-Marsan1778-17861789-1815 ?167
107Aire - Orthès (Orthez)1766-1771177199
108Pau1771-17781778-1779118
108 bis ou 182Cauterets1772-17731779-1781142
109Montmédy - Longwy - Bouillon1754-1766176268
109 bisSaint-Hubert1758-1759175962
110Verdun1754-1759176046
111Toul1756-1759175941
112Joinville1758-17621762-176365
113Langres1757-17591760-176152
114Dijon1758-1759175828
115Dole - Auxonne1756-17601761-176261
116Tournus - Lons-le-Saunier1757-17601758-176044
117Bourg (Bourg-en-Bresse)1757-17641764-176571
118Belley1758-17601759-176263
119Grenoble1765-17771779 ?120
120Valence1768-17771777-1779119
121Vaison-la-Romaine1776-17771779-1780136
122Avignon - Orange1775-17781778-1779122
123Aix-en-Provence1778-17791779130
124Marseilles (Marseille)1778-177791779129
125Cherbourg1756-1758175722
126Coutances1756175823
127Saint-Malo - Granville1755-1759 corr. 1788-17891758-175937
128Dinan1782-17891789-1815 ?175
129Rennes1785-17871789-1815 ?175
130Paimbœuf - Redon1784-17871789-1815 ?170
131Nantes1783-17861789-1815 ?168
132La Roche-sur-Yon - Les Sables (Les Sables-d'Olonne)1765-17681768-177093
133Ile de Ré1767-17681768-177286
134Ile d'Oléron1767-17691769 ?88
135Côte de Médoc17671783153
136La Teste-de-Buch1762-1763 ?1789-1815 ?165
137Cazau (Cazaux)1762-1763 ?1789-1815 ?161
138Vieux-Boucau1773-17841789-1815 ?162
139Bayonne1766-17711771101
140Saint-Jean-Pied-de-Port1770-17731772105
141Metz1757-1762 corr. 17721763-176673
141 bis ou 175Luxembourg1761-1762176369
142Nancy1754-1763 corr. 1768-17721758-176051
143Mirecourt - Épinal1754-17621761-176264
144Luxeuil-les-Bains1758-17621760-176155
145Vesoul1757-17591759-176049
146Besançon1757-17601759-176260
147Nozeroy - Les Rousses1757-17601759-176050
148Genève - Gex1759-1761176158
149Montmélian1776 ca1779 ?n.r.
150Barraux1776-17781779-1781137
151Briançon1772-17771779124
152Embrun - Gap1776-17771779125
153Digne1778-17791782145
154Lorgues1778-17801781146
155Toulon1778-17791779131
156Tréguier1785-17901789-1815 ?n.r.
157Uzel1780-17871789-1815 ?171
158Vannes17891789-1815 ?172
159Belle-Isle (Belle-Ile)17871789-1815 ?169
160Ile de Noirmoutiernon publiée en individuel131 (sur feuille de Nantes)
161Landau - Wissembourg - (Bitche)1755-1762 corr. 17721763-176674
162Strasbourg1760-17671768-177095
163Colmar1757-17601760-176159
164Neuf-Brisach1758-1763176677
165Basle (Bâle)1759-17631763-176570
166 ou 180Queiras (Château-Queyras - Chateau-Ville-Vieille)17771779 ?134
167 ou 181Larche17771779 ?135
168Vence1778-17801781 ?147
169 ou 167Antibes1778-17801781 ?148
169 bis ou 182Cap Camarat17781778 ?131
170 ou 168Saint-Pol-de-Léon1781-17821783-1784156
171Carhaix - Plouguer - Brest1782-17831784173
172Quimperlé - Ile de Groix - Quimper17831789-1815 ?169
173 ou 171Philippburg (Philippsburg)1759-1763176172
174 ou 172Ile d'Ouessant (Ouessant)1782-17861789-1815 ?157
175 ou 173Audièrene (Audierne) - Rade de Brest17861789-1815 ?174

Les départements de la Savoie, de la Haute-Savoie et une partie de celui des Alpes-Maritimes ne faisaient pas partie du Royaume de France à l’époque des levés opérés au XVIIIe siècle. Ils ne sont donc pas représentés sur la carte de l’Académie. De plus, l'île d'Yeu et la Corse ne seront jamais levées.

Tableau d'assemblage de la carte générale de la France, 1797, collection Rumsey.

La plupart des feuilles ont fait l'objet d'une nouvelle édition datée de 1815.

Caractéristiques générales

Elles sont à l'échelle d'une ligne pour cent toises (1 : 86 400), toujours référencées en coordonnés rectangulaires par rapport à l'Observatoire (les distances par rapport à la méridienne et à sa perpendiculaire sont inscrites dans les angles de chaque carte). Les feuilles sont de 24 pouces sur 35 (65 x 95 cm). On peut donc y représenter des cartes de 40 000 x 25 000 toises, soit 78 x 49 km[29].

Y sont représentés les invariants du paysage : « Villes, bourgs, villages, châteaux, chapelles, hameaux… avec les lignes figurant les rivières et les grands chemins, etc. Les cartes individuelles ne comportent pas de légende. Seul le tableau d'assemblage de la carte précédente donne des « explications sur les caractères géographiques employés »[30].

Détail de la légende de la carte générale de la France.
Table des distances par rapport à l'Observatoire ; feuille de Paris, vers 1756.

Les cartes comportent de nombreuses abréviations, aujourd'hui parfois peu explicites. Monique Pelletier, dans son ouvrage, en cite un très grand nombre dans une annexe où elles sont classées par ordre alphabétique.

En complément, pour chaque carte, Cassini de Thury propose pour 20 sols une Table alphabétique de la distance des paroisses et principales abbayes à la Méridienne & Perpendiculaire de Paris. Il donne en plus, dans les premières introductions des feuilles publiées, des exemples de calcul pour déterminer la distance entre deux lieux cités, suivant les méthodes logarithmiques de l'époque[31] . Il donne aussi une table plus simple pour parvenir aux mêmes résultats, sans faire usage des logarithmes[32].

Dans l'Introduction à la seconde feuille occidentale de la carte de la France[33], feuille 26 d'Évreux, il indique comment « on trouvera facilement la longitude & la latitude de tous les lieux que la Carte représente. » Il donne une première méthode lorsque la différence de longitude est inférieure à un degré et une seconde dans le cas contraire. Ces deux méthodes supposent la terre sphérique et font appel à la trigonométrie sphérique.

Les tables alphabétiques semblent n'avoir été publiées que pour quarante-neuf tables qui ont été collationnées par la BnF en un Recueil factice des introductions et des tables alphabétiques, publiées par Cassini de Thury pour accompagner chacune des feuilles de sa Carte des pays traversés par la méridienne de l'Observatoire de Paris[34].

Galerie

Après la carte de Cassini

En 1808, Napoléon Ier décide d'établir une carte destinée à remplacer celle de Cassini ; toutefois durant tout l'Empire, les ingénieurs géographes du Dépôt de la Guerre qui devaient s'y attacher eurent à accomplir des travaux plus pressants : cartes des champs de bataille[35], travaux topographiques sur les frontières du Nord, cartes topographiques de Jean-Joseph Tranchot de Rhénanie, du Limbourg[36]. Ainsi il fallut attendre la Seconde Restauration pour que la mise en œuvre de cette nouvelle carte puisse débuter avec les premiers travaux d'une triangulation appuyée sur la méridienne de Delambre et Méchain. Les travaux de cette carte s'étalèrent entre 1817 et 1866, en essayant plusieurs échelles différentes. Ce fut une carte à l'usage des militaires, la carte d'état-major, à l'échelle 1/80 000 dont les premières feuilles furent publiées à partir de 1833. Malgré l’existence de ces dernières cartes, bien plus exactes, les cartes de Cassini sont encore restées une source pour la cartographie du XIXe siècle. En témoigne la carte de France du Service du génie militaire de 1878[37] dont les tracés des cours d'eau et les noms des divers villes et villages reprennent les tracés et les graphies des cartes de Cassini.

Utilisations contemporaines

Ces cartes, bien que peu précises concernant les données paysagères, apportent - en complément d'autres sources - des informations intéressantes pour :

La carte de Cassini a également servi à des études portant sur la qualité de l'eau dans le bassin de la Seine[39]. En effet, les plans d'eau stagnants comme les étangs sont connus pour jouer un rôle de filtre en piégeant notamment l'azote[40] responsable, entre autres, de l'eutrophisation des cours d'eau et des zones côtières[41]. Partant de ce constat, les étangs cartographiés par Cassini dans le bassin de la Seine ont été numérisés et intégrés à un système d'information géographique. Les quelque 2500 étangs ainsi relevés ont ensuite été intégrés à un modèle décrivant la qualité de l'eau au sein du réseau hydrographique[39],[42]. L'idée était de simuler l'effet d'une réintroduction de ces étangs dans le contexte physique et humain actuels. Finalement, une telle réintroduction permettrait une réduction des flux d'azote de 2 à 20 % selon les endroits du réseau hydrographique.

Notes et références

Notes

Références

Compléments

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie

  • Monique Pelletier, Les cartes des Cassini, la science au service de l'état et des provinces, Paris, CTHS, (ISBN 978-2-7355-0786-3)
  • Jean-Jacques Levallois, Mesurer la Terre : 300 ans de géodésie française, Paris, A.F.T., , 389 p. (ISBN 2-907586-00-9)
  • Daniel Vallauri, Audrey Grel, Evelyne Granier et Jean-Luc Dupouey, « Les forêts de Cassini. Analyse quantitative et comparaison avec les forêts actuelles », INRA et WWF, (consulté le ), p. 65
  • Carte de Cassini - Carte manuscrite de la rive droite de la Vallée de la Vesdre par les ingénieurs géographes français avec la collaboration de Cassini, 1745-1748. Vincennes, Archives de la Guerre. 4.6. B 36 à 42, feuille F. in Étienne Helin, Lemoine Isabeau Claire, Bruxelles, Crédit communal, 1980.
  • Sur les origines de la carte de Cassini : Lucien Gallois, Annales de géographie : L'Académie des Sciences et les origines de la carte de Cassini, vol. 100, Paris, A. Collin, (lire en ligne), p. 289-310.

Articles connexes

Liens externes

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