Biodiversité marine
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La biodiversité marine est l'ensemble de la biodiversité des mers, des océans, des lagunes et des estrans.
Elle est en régression (du point de vue de la richesse trophique notamment) depuis plus de 50 ans, du fait des activités humaines[1] et en particulier du fait de la surpêche et de la pollution et artificialisation des fleuves, estuaires, ports et zones côtières.
Elle joue un rôle encore mal connu, mais a priori important pour le rétrocontrôle du climat, et en termes de puits de carbone et comme réservoir de ressources génétiques vitales pour les écosystèmes tels que nous les connaissons.
L'étude approfondie de la biodiversité marine ne fait que commencer, avec notamment de nombreux centres de biologie marine (dont celui de Roscoff en France), Aquariums à vocation scientifique (ex : Musée océanographique de Monaco), des instituts (Ifremer en France) ou encore le Centre pour la biodiversité marine créé en 2000 au Canada). C'est un domaine de longue haleine où le travail collaboratif, les sciences citoyennes et les sciences participatives semblent pouvoir s'épanouir, avec la participation des marins, marin-pêcheurs, plaisanciers, plongeurs et du grand public sur les littoraux. Ainsi en France l'association DORIS contribue-t-elle à l'inventaire illustré de la biodiversité marine, avec le Muséum national d'histoire naturelle (MNHN) et des plombeurs amateurs.
Concernant le caractère marin de cette biodiversité, outre les espèces strictement inféodées aux eaux salées et marines, on peut inclure ;
Les modes d'évaluation de la biodiversité terrestre (actuelle et passée) ne conviennent pas à de nombreuses espèces marines qui vivent dans un milieu bien plus vaste et moins physiquement fragmenté que les espèces terrestres. La richesse et la qualité des niveaux trophiques marins est mesurée via l'étude des biomasses par catégorique trophique (du niveau de la production primaire phytoplanctonique à celui des grands prédateurs en passant par les décomposeurs, qui jouent un rôle important, notamment dans les fonds marins et les estuaires et mangroves[4]) et par l'estimation de l'efficacité des transferts bruts entre eux[5], transferts qui contribuent aux grands cycles biogéochimiques (cycle de l'azote notamment[6]), comme aux équilibres prédateurs-proies. Ces éléments sont parfois utilisés comme indice de biodiversité[3], en accord avec la CDB (Convention sur la diversité biologique).
Un constat est que depuis quelques décennies, les niveaux trophiques supérieurs (prédateurs, superprédateurs) s'effondrent au profit d'espèces de petite taille et de niveau inférieur (bactéries) et intermédiaire (méduses, petites poissons…). Ce phénomène est notamment induit par la surpêche[7],[8],[9] mais est probablement aussi exacerbé par la bioconcentration de polluants dans la chaine alimentaire et on suspecte diverses sources de dérangement (pollution sonore sous-marine, munitions immergées, conditions d'anoxie et de zones marines mortes..).
Outre que la partie profonde de l'océan est bien moins accessible à l'homme que la plupart des écosystèmes émergés, plusieurs différences majeures distinguent aussi l'océan mondial des parties émergées des continents, et expliquent des schémas de biodiversité très différents[10]:
Ceci, et en particulier l'ancienneté de la vie dans les océans explique que la diversité taxinomique et la diversité fonctionnelle (Norse, 1993) y soient particulièrement élevées :
On appelle « patron » de biodiversité la représentation de la répartition des variations géographiques de la biodiversité. Ces patrons traduisent des variations dans le type des espèces et associations d'espèces, dans la quantité d'individus et la démographie des espèces, et en matière de patrimoine génétique). Les variations passées (cf. paléoclimats, paléoenvironnements) et contemporaines dans le patron de la biodiversité fascinent les naturalistes et écologues, notamment depuis les travaux de Charles Darwin. Ce patron est très différent dans les océans de ce qu'il est sur les terres émergées[10].
La connaissance et la compréhension des patrons de biodiversité marine sont importantes pour les sciences de l'environnement (écologie, climatologie, évolution...) mais aussi cruciales et urgentes pour l'économie de l'environnement, une meilleure mesure et prise en compte de la valeur de la biodiversité et des services écosystémiques, la conservation de la nature et la gestion durable des ressources halieutiques, la gestion intégrée des zones côtières et les stratégies marines et maritimes des états, de l'Europe ou de l'ONU.
L’augmentation rapide du nombre et de l'ampleur des impacts anthropiques, ainsi que l’urgence d'une planification systématique de la conservation des ressources naturelles et des services écosystémiques et donc de la biodiversité ont incité les écologues à pousser les analyses des « patrons » de diversité biologique, en cherchant nomtamment à mieux comprendre les processus en cours aux échelles régionales à mondiales.
Des méthodes consensuelles d’analyse scientifique des patrons de biodiversité ont été mises au point sur terre. Et des prédicteurs y sont connus pour de nombreux taxa[10]. Mais ce travail ne fait que débuter concernant la diversité biologique marine, dont l'organisation est guidée ou contrainte par des facteurs différents de ceux qui sont à l'œuvre sur terre.
Selon des travaux publiés en 2010 par le journal Nature[10], l'étude des tendances mondiales, et des facteurs prédictifs de la richesse en espèces au sein de 13 principaux phyla d'espèces marines (du zooplancton aux mammifères marins) a dégagé deux principaux modèles :
On a donc cherché des explications, et des prédicteurs à ces différences ;
De l'étude évoquée ci-dessus, il découle que :
Les analyses de régression linéaire n'ont démontré qu'un seul facteur explicatif et dans tous les cas (cas étudiés) prédictif :
c'est la donnée « température de surface de la mer ».
Elle est fortement corrélée à la diversité de tous les taxa étudiés.
Les zones de forte diversité ne sont pas concentrées dans les parties reculées ou exclusivement tropicales des océans, mais bien, et de « manière disproportionnée » dans les régions où les impacts humains sont déjà moyens à très importants[10]. Dans un contexte de changement climatique, l'impact des flottes de pêche des zones tempérées et la responsabilité de la Chine, de l'Europe[14] prennent de ce point de vue encore plus d'importance.
Tous les résultats récents confirment la responsabilité de l'Homme dans la dégradation rapide de la biodiversité marine[15],[16] et des services écosystémiques rendus par les océans[17],
Les théories scientifiques de l'écologie marine et de nombreuses études de terrain montrent une certaine capacité — variable selon les espèces et les écosystèmes, à certaines conditions — de restauration après une perturbation (tsunami, certaines pollution, chalutage, surpêche…). Les récifs artificiels bien conçus, comme les aires marines réellement protégées se montrent effectivement efficaces pour restaurer ou protéger au la biomasse et une partie de la biodiversité marine. Il est notamment démontré que des récifs abritant une diversité de niveaux trophiques ont moins de maladies des coraux que les récifs surexploités[2]; la prévalence des maladies des coraux est inversement corrélée avec la diversité taxonomique des poissons.
Néanmoins les pressions anthropiques sur les espèces du bout de la chaîne alimentaire (grands cétacés, requins, espadons, thons, etc.) se poursuit, et elle a des impacts importants et encore mal compris sur les types d'assemblages d'espèces sous-jacents, et probablement sur leur biomasse (De manière simplifiée : la tendance et au développement des méduses et de petites espèces de poissons, au détriment des grosses espèces).
De plus, les données récentes mettent en avant le rôle majeur de la température des eaux de surface, et de l'énergie cinétique (des courants et évents sous-marins) dans la structuration de la biodiversité marine. Ils montrent aussi que des changements de la température des océans, conjointement avec d'autres impacts humains (eutrophisation, acidification, montée de la mer, pollutions, transports de pathogènes ou d’espèces invasives, surpêche, pisciculture intensive…) pourraient fortement et rapidement aggraver la perte de diversité de la vie marine, mais aussi son organisation biogéographique. Certains experts craignent aussi que l'augmentation de la température de surface (avérée pour les dernières décennies), et la montée des océans, ainsi que leur réchauffement général affectent également les grands courants marins, dont le Gulf Stream, qui joue un rôle fondamental dans l'Atlantique.
Dulvy et al. ont cherché à quantifier l'érosion de la biodiversité en 2003[18]. La pêche apparaît comme la principale cause des extinctions des espèces marines (55 %) à toutes les échelles d’analyse, suivie par la perte ou la dégradation des habitats (37 %), le reste étant attribué aux espèces invasives, au changement climatique, aux pollutions (rejets urbains, agricoles (en) et industriels, marées noires, déchets plastiques…) ou aux maladies[19].
Le réchauffement climatique pourrait, à lui seul, provoquer une disparition de 17 % de la masse des animaux marins d’ici 2100, selon l'Académie nationale des sciences des États-Unis[20].
À la fin du XXe siècle, dans le contexte d'une maritimisation croissante des économies, l'approche écosystémique prend plus d'importance, les chercheurs (avec notamment les études de l'UICN[21]) se penchant sur la définition et l'évaluation des services écosystémiques fournis par les écosystèmes marins et côtiers. Selon Costanza et al. (1997), 63 % de la valeur mondiale totale des services d’écosystème est apportée par les écosystèmes marins (20,9 milliards de dollars/an)[22].
En s'appuyant sur une revue de la littérature, il est possible d'identifier 74 services écosystémiques directement liés à la biodiversité marine et côtière[23] :
Depuis la fin des années 1990, des économistes cherchent à mesurer la valeur économique de la biodiversité ou des services écosystémiques rendus par cette diversité. La pêche étant une filière économiquement importante, les relations de la biodiversité marine à la pêche ont fait l'objet de nombreuses analyses économiques.
Le domaine des ressources halieutiques est caractérisé par « une perte accélérée de populations et d'espèces, avec des conséquences en grande partie inconnues »[29]. Une analyse publiée par le Journal Science[29] a porté sur des séries temporelles de données globales et locales issues du secteur de la pêche, analysées au regard de leurs relations avec la perte de biodiversité et au regard des services des écosystèmes marins fournis à diverses échelles spatiales et temporelles[29]. Elle a conclu que « globalement, les taux d'effondrement des ressources halieutiques se sont accélérés, alors que le potentiel de restauration, la stabilité, et la qualité de l'eau ont diminué de façon exponentielle avec la diminution de la biodiversité. La restauration de la biodiversité, en revanche s'est accompagnée d'une multiplication par quatre de la productivité et par une diminution de la variabilité de 21 %, en moyenne »[29]. Les auteurs ont conclu « que la perte de la biodiversité marine porte de plus en plus atteinte à la capacité des océans à fournir de la nourriture, maintenir la qualité de l'eau, et à se remettre des perturbations qu'il subit. Pourtant, les données disponibles suggèrent que - à ce point - ces tendances sont encore réversibles »[29].
De nombreux experts estiment que les stratégies de pêche doivent s'inscrire dans une nouvelle philosophie intégrant mieux la biodiversité[30] et en particulier l'approche écosystémique[17].
Plusieurs outils d'inventaire mondial se sont mis en place, pour les espèces d'intérêt halieutiques d'abord, puis pour l'ensemble des espèces. Par exemple le portail WoRMS contenait déjà - mi 2010
Son objectif de 100 000 noms d'espèces valides fin de 2007 pour le 300e anniversaire de Linné a été atteint. Un nouvel objectif est 230 000 espèces marines avant fin 2010, en synchronie avec l'achèvement du Census of Marine Life programme/qui se veut être une contribution au catalogue de la vie, l'Encyclopédie de la vie, et l'épine dorsale du système d'information biogéographique taxonomique pour les océans. Worms a été reconnue comme l'une des quatre campagnes organisées par la Global Biodiversity Information Facility. L'expédition Tara Oceans débutée en 2009 a permis la collecte de nombreuses espèces, dont les protistes. Alors que le chercheurs estimaient leur nombre à 80 000 espèces, la mission a permis de recenser en 2012 environ 1,5 million d'OTUs[32].
Si l'océan représente 99 % du volume offert à la vie, il abrite uniquement 13 % des espèces répertoriées du monde vivant (correspondant à 12 des 31 phyla connus, les plus anciens, qui ne sont jamais sortis de ce milieu océanique) car il est un milieu stable depuis 100 millions d'années, moins structuré que l'environnement terrestre (où les radiations évolutives des insectes ont abouti à la spécialisation de près de 1,3 million d'espèces décrites existant encore[33]), et encore fort méconnu[34]. La biodiversité marine reste très majoritairement inconnue avec environ 95 % de l'océan demeurant inexploré et probablement entre 70 et 80 % des espèces marines encore à découvrir selon le programme international Census of Marine Life[35],[36].